Monsieur de Pourceaugnac » Acte 1 » SCÈNE PREMIËRE
JULIE, ÉRASTE, NÉRINE.JULIE.- Mon Dieu, Éraste, gardons d'être surpris; je tremble qu'on ne nous voie ensemble; et tout serait perdu, après la défense que l'on m'a faite.ÉRASTE.- Je regarde de tous côtés, et je n'aperçois rien.JULIE.- Aie aussi l'œil au guet, Nérine, et prends bien garde qu'il ne vienne personne.NÉRINE.- Reposez-vous sur moi, et dites hardiment ce que vous avez à vous dire.JULIE.- Avez-vous imaginé pour notre affaire quelque chose de favorable? et croyez-vous, Éraste, pouvoir venir à bout de détourner ce fâcheux mariage que mon père s'est mis en tête?ÉRASTE.- Au moins y travaillons-nous fortement; et déjà nous avons préparé un bon nombre de batteries pour renverser ce dessein ridicule.NÉRINE.- Par ma foi, voilà votre père.JULIE.- Ah séparons-nous vite.NÉRINE.- Non, non, non, ne bougez, je m'étais trompée.JULIE.- Mon Dieu, Nérine, que tu es sotte, de nous donner de ces frayeurs!ÉRASTE.- Oui, belle Julie, nous avons dressé pour cela quantité de machines*, et nous ne feignons point de* mettre tout en usage, sur la permission que vous m'avez donnée. Ne nous demandez point tous les ressorts que nous ferons jouer, vous en aurez le divertissement; et comme aux comédies, il est bon de vous laisser le plaisir de la surprise, et de ne vous avertir point de tout ce qu'on vous fera voir; c'est assez de vous dire que nous avons en main divers stratagèmes tous prêts à produire dans l'occasion, et que l'ingénieuse Nérine et l'adroit Sbrigani entreprennent l'affaire.NÉRINE.- Assurément. Votre père se moque-t-il de vouloir vous anger* de son avocat de Limoges, Monsieur de Pourceaugnac, qu'il n'a vu de sa vie, et qui vient par le coche vous enlever à notre barbe? Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus, sur la parole de votre oncle*, lui fassent rejeter un amant qui vous agrée? Et une personne comme vous, est-elle faite pour un Limosin? S'il a envie de se marier, que ne prend-il une Limosine, et ne laisse-t-il en repos les chrétiens? Le seul nom de Monsieur de Pourceaugnac m'a mis dans une colère effroyable. J'enrage de Monsieur de Pourceaugnac. Quand il n'y aurait que ce nom-là, Monsieur de Pourceaugnac, j'y brûlerai mes livres*, ou je romprai ce mariage, et vous ne serez point Madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac! Cela se peut-il souffrir? Non, Pourceaugnac est une chose que je ne saurais supporter, et nous lui jouerons tant de pièces*, nous lui ferons tant de niches sur niches, que nous renverrons à Limoges Monsieur de Pourceaugnac.ÉRASTE.- Voici notre subtil Napolitain, qui nous dira des nouvelles.
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