Accueil Biographie Personnages Contact Sites partenaires
»L'Étourdi ou les contretemps
»Les Precieuses ridicules
»Le Dépit Amoureux
»Sganarelle ou le cocu imaginaire
»Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
»L'École des maris
»Les Fâcheux
»L'École des femmes
»La Critique de L'École des femmes
»L'Impromptu de Versailles
»Le mariage forcé
»La Princesse d'Élide
»Le Tartuffe ou l'Imposteur
»Dom Juan ou le Festin de pierre
»L'Amour Médecin
»Le Misanthrope
»Le médecin malgré lui
»Mélicerte
»Pastorale comique
»Le Sicilien ou l'Amour peintre
»Amphitryon
»George Dandin ou le mari confondu
»L'Avare
»Monsieur de Pourceaugnac
»Les amants magnifiques
»Le bourgeois gentilhomme
»Psyché
»Les fourberies de Scapin
»La Comtesse d'Escarbagnas
»Les Femmes savantes
»Le Malade imaginaire
     
Actes de l'oeuvre
Le Misanthrope :

¤Acte 1
¤Acte 2
¤Acte 3
ºSCÈNE PREMIERE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
¤Acte 4
¤Acte 5
 
 

 

Le Misanthrope » Acte 3 » SCÈNE PREMIERE

CLITANDRE, ACASTE.


CLITANDRE
Cher Marquis, je te vois l'âme bien satisfaite,
Toute chose t'égaye, et rien ne t'inquiète.
En bonne foi, crois-tu, sans t'éblouir les yeux,
780 Avoir de grands sujets de paraître joyeux?

ACASTE
Parbleu, je ne vois pas, lorsque je m'examine,
Où prendre aucun sujet d'avoir l'âme chagrine.
J'ai du bien, je suis jeune, et sors d'une maison
Qui se peut dire noble, avec quelque raison;
785 Et je crois, par le rang que me donne ma race,
Qu'il est fort peu d'emplois, dont je ne sois en passe.
Pour le cœur*, dont, sur tout, nous devons faire cas,
On sait, sans vanité, que je n'en manque pas;
Et l'on m'a vu pousser, dans le monde, une affaire*,
790 D'une assez vigoureuse, et gaillarde manière.
Pour de l'esprit, j'en ai, sans doute*, et du bon goût,
À juger sans étude, et raisonner de tout;
À faire aux nouveautés, dont je suis idolâtre,
Figure de savant, sur les bancs du théâtre*;
795 Y décider, en chef, et faire du fracas
À tous les beaux endroits qui méritent des has*.
Je suis assez adroit, j'ai bon air, bonne mine,
Les dents belles, surtout, et la taille fort fine.
Quant à se mettre bien, je crois, sans me flatter,
800 Qu'on serait mal venu, de me le disputer.
Je me vois dans l'estime, autant qu'on y puisse être,
Fort aimé du beau sexe, et bien auprès du maître:
Je crois, qu'avec cela, mon cher Marquis, je croi,
Qu'on peut, par tout pays, être content de soi.

CLITANDRE
805 Oui, mais trouvant ailleurs, des conquêtes faciles,
Pourquoi pousser ici, des soupirs inutiles?

ACASTE
Moi? parbleu, je ne suis de taille, ni d'humeur,
À pouvoir, d'une belle, essuyer la froideur.
C'est aux gens mal tournés, aux mérites vulgaires,
810 À brûler, constamment*, pour des beautés sévères;
À languir à leurs pieds, et souffrir leurs rigueurs,
À chercher le secours des soupirs, et des pleurs,
Et tâcher, par des soins d'une très longue suite,
D'obtenir ce qu'on nie à leur peu de mérite.
815 Mais les gens de mon air, Marquis, ne sont pas faits,
Pour aimer à crédit, et faire tous les frais.
Quelque rare que soit le mérite des belles,
Je pense, Dieu merci, qu'on vaut son prix, comme elles;
Que pour se faire honneur d'un cœur comme le mien,
820 Ce n'est pas la raison qu'il ne leur coûte rien;
Et qu'au moins, à tout mettre en de justes balances,
Il faut, qu'à frais communs, se fassent les avances.

CLITANDRE
Tu penses, donc, Marquis, être fort bien ici?

ACASTE
J'ai quelque lieu, Marquis, de le penser ainsi.

CLITANDRE
825 Crois-moi, détache-toi de cette erreur extrême;
Tu te flattes, mon cher, et t'aveugles toi-même.

ACASTE
Il est vrai, je me flatte, et m'aveugle, en effet.

CLITANDRE
Mais, qui te fait juger ton bonheur si parfait?

ACASTE
Je me flatte.

CLITANDRE
Sur quoi fonder tes conjectures?

ACASTE
Je m'aveugle.

CLITANDRE
830 En as-tu des preuves qui soient sûres?

ACASTE
Je m'abuse, te dis-je.

CLITANDRE
Est-ce que de ses vœux,
Célimène t'a fait quelques secrets aveux?

ACASTE
Non, je suis maltraité.

CLITANDRE
Réponds-moi, je te prie.

ACASTE
Je n'ai que des rebuts.

CLITANDRE
Laissons la raillerie,
835 Et me dis quel espoir on peut t'avoir donné?

ACASTE
Je suis le misérable, et toi le fortuné,
On a, pour ma personne, une aversion grande;
Et quelqu'un de ces jours, il faut que je me pende.

CLITANDRE
Ô çà, veux-tu, Marquis, pour ajuster nos vœux,
840 Que nous tombions d'accord d'une chose, tous deux?
Que qui pourra montrer* une marque certaine,
D'avoir meilleure part au cœur de Célimène,
L'autre ici, fera place au vainqueur prétendu,
Et le délivrera d'un rival assidu?

ACASTE
845 Ah! parbleu, tu me plais, avec un tel langage;
Et du bon de mon cœur, à cela je m'engage.
Mais, chut.