Le médecin malgré lui » Acte 3 » SCÈNE II
THIBAUT, PERRIN, SGANARELLE.THIBAUT.- Monsieu, je venons vous charcher, mon fils Perrin et moi.SGANARELLE.- Qu'y a-t-il?THIBAUT.- Sa pauvre mère, qui a nom Parette est dans un lit, malade, il y a six mois.SGANARELLE, tendant la main, comme pour recevoir de l'argent.- Que voulez-vous que j'y fasse?THIBAUT.- Je voudrions, Monsieu, que vous nous baillissiez quelque petite drôlerie pour la garir.SGANARELLE.- Il faut voir de quoi est-ce qu'elle est malade.THIBAUT.- Alle est malade d'hypocrisie, Monsieu.SGANARELLE.- D'hypocrisie?THIBAUT.- Oui, c'est-à-dire qu'alle est enflée par tout, et l'an dit que c'est quantité de sériosités qu'alle a dans le corps, et que son foie, son ventre, ou sa rate, comme vous voudrais l'appeler, au glieu de faire du sang, ne fait plus que de l'iau. Alle a de deux jours l'un, la fièvre quotiguenne avec des lassitules(*) et des douleurs dans les mufles des jambes. On entend dans sa gorge, des fleumes qui sont tout prêts à l'étouffer: parfois, il lui prend des syncoles, et des conversions, que je crayons qu'alle est passée. J'avons dans notte village, un apothicaire, révérence parler, qui li a donné je ne sai combien d'histoires: et il m'en coûte plus d'eune douzaine de bons écus, en lavements, ne v's en déplaise, en apostumes, qu'on li a fait prendre, en infections de jacinthe, et en portions cordales. Mais tout ça, comme dit l'autre, n'a été que de l'onguent miton mitaine. Il velait li bailler d'eune certaine drogue que l'on appelle du vin amétile: mais j'ai-s-eu peur, franchement, que ça l'envoyît à patres, et l'an dit que ces gros médecins tuont je ne sai combien de monde, avec cette invention-là.SGANARELLE, tendant toujours la main, et la branlant, comme pour signe qu'il demande de l'argent.- Venons au fait, mon ami, venons au fait.THIBAUT.- Le fait est, Monsieu, que je venons vous prier de nous dire ce qu'il faut que je fassions.SGANARELLE.- Je ne vous entends point du tout.PERRIN.- Monsieu, ma mère est malade, et velà deux écus que je vous apportons, pour nous bailler queuque remède.SGANARELLE.- Ah! je vous entends, vous. Voilà un garçon qui parle clairement, qui s'explique(*) comme il faut. Vous dites que votre mère est malade d'hydropisie, qu'elle est enflée par tout le corps, qu'elle a la fièvre, avec des douleurs dans les jambes: et qu'il lui prend, parfois, des syncopes, et des convulsions, c'est-à-dire des évanouissements?PERRIN.- Eh oui, Monsieu, c'est justement ça.SGANARELLE.- J'ai compris d'abord, vos paroles. Vous avez un père qui ne sait ce qu'il dit. Maintenant, vous me demandez un remède?PERRIN.- Oui, Monsieu.SGANARELLE.- Un remède pour la guérir?PERRIN.- C'est comme je l'entendons.SGANARELLE.- Tenez, voilà un morceau de formage, qu'il faut que vous lui fassiez prendre.PERRIN.- Du fromage, Monsieu?SGANARELLE.- Oui, c'est un formage préparé, où il entre de l'or, du coral, et des perles, et quantité d'autres choses précieuses.PERRIN.- Monsieu, je vous sommes bien obligés: et j'allons li faire prendre ça tout à l'heure.SGANARELLE.- Allez. Si elle meurt, ne manquez pas de la faire enterrer du mieux que vous pourrez.
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