Le Dépit Amoureux » Acte III » Scene VIII
VALÈRE, ALBERT, MASCARILLE. ALBERT Plus je reviens du trouble où j'ai donné d'abord,Plus je me sens piqué de ce discours étrange,Sur qui ma peur prenait un si dangereux change;Car Lucile soutient que c'est une chanson, 980 Et m'a parlé d'un air à m'ôter tout soupçon.Ha! Monsieur, est-ce vous, de qui l'audace insigneMet en jeu mon honneur, et fait ce conte indigne ? MASCARILLE Seigneur Albert, prenez un ton un peu plus doux,Et contre votre gendre ayez moins de courroux. ALBERT 985 Comment gendre, coquin ? Tu portes bien la mineDe pousser les ressorts d'une telle machine,Et d'en avoir été le premier inventeur. MASCARILLE Je ne vois ici rien à vous mettre en fureur. ALBERT Trouves-tu beau, dis-moi, de diffamer ma fille? 990 Et faire un tel scandale* à toute une famille ? MASCARILLE Le voilà prêt de faire en tout vos volontés. ALBERT Que voudrais-je, sinon qu'il dît des vérités ?Si quelque intention le pressait pour Lucile,La recherche en pouvait être honnête et civile, 995 Il fallait l'attaquer du côté du devoir,Il fallait de son père implorer le pouvoir,Et non pas recourir à cette lâche feinte,Qui porte à la pudeur une sensible atteinte. MASCARILLE Quoi ? Lucile n'est pas sous des liens secretsÀ mon maître ? ALBERT 1000 Non, traître, et n'y sera jamais. MASCARILLE Tout doux; et s'il est vrai que ce soit chose faite,Voulez-vous l'approuver cette chaîne secrète ? ALBERT Et, s'il est constant, toi, que cela ne soit pas,Veux-tu te voir casser les jambes et les bras ? VALÈRE 1005 Monsieur, il est aisé de vous faire paraîtreQu'il dit vrai. ALBERT Bon, voilà l'autre encor, digne maître D'un semblable valet. Oh! les menteurs hardis! MASCARILLE D'homme d'honneur*, il est ainsi que je le dis. VALÈRE Quel serait notre but de vous en faire accroire ? ALBERT 1010 Ils s'entendent tous deux comme larrons en foire. MASCARILLE Mais venons à la preuve, et sans nous quereller:Faites sortir Lucile et la laissez parler. ALBERT Et si le démenti par elle vous en reste ? MASCARILLE Elle n'en fera rien, Monsieur, je vous proteste. 1015 Promettez à leurs vœux votre consentement,Et je veux m'exposer au plus dur châtiment,Si de sa propre bouche elle ne vous confesse,Et la foi qui l'engage, et l'ardeur qui la presse. ALBERT Il faut voir cette affaire. MASCARILLE, à Valère. Allez, tout ira bien. ALBERT Holà, Lucile, un mot. VALÈRE Je crains... MASCARILLE 1020 Ne craignez rien.
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