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Actes de l'oeuvre
Le bourgeois gentilhomme :

¤Acte 1
¤Acte 2
¤Acte 3
¤Acte 4
¤Acte 5
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE DERNIÈRE
ºBallet
 
 

 

Le bourgeois gentilhomme » Acte 5 » SCÈNE DERNIÈRE

MADAME JOURDAIN, MONSIEUR JOURDAIN, CLÉONTE, etc.

MADAME JOURDAIN.- Comment donc, qu'est-ce que c'est que ceci? On dit que vous voulez donner votre fille en mariage à un carême-prenant*.

MONSIEUR JOURDAIN.- Voulez-vous vous taire, impertinente? Vous venez toujours mêler vos extravagances à toutes choses, et il n'y a pas moyen de vous apprendre à être raisonnable.

MADAME JOURDAIN.- C'est vous qu'il n'y a pas moyen de rendre sage, et vous allez de folie en folie. Quel est votre dessein, et que voulez-vous faire avec cet assemblage*?

MONSIEUR JOURDAIN.- Je veux marier notre fille avec le fils du Grand Turc.

MADAME JOURDAIN.- Avec le fils du Grand Turc!

MONSIEUR JOURDAIN.- Oui, faites-lui faire vos compliments par le truchement que voilà.

MADAME JOURDAIN.- Je n'ai que faire du truchement, et je lui dirai bien moi-même à son nez, qu'il n'aura point ma fille.

MONSIEUR JOURDAIN.- Voulez-vous vous taire, encore une fois?

DORANTE.- Comment, Madame Jourdain, vous vous opposez à un bonheur comme celui-là? Vous refusez Son Altesse Turque pour gendre?

MADAME JOURDAIN.- Mon Dieu, Monsieur, mêlez-vous de vos affaires.

DORIMÈNE.- C'est une grande gloire, qui n'est pas à rejeter.

MADAME JOURDAIN.- Madame, je vous prie aussi de ne vous point embarrasser de ce qui ne vous touche pas.

DORANTE.- C'est l'amitié que nous avons pour vous, qui nous fait intéresser dans vos avantages*.

MADAME JOURDAIN.- Je me passerai bien de votre amitié.

DORANTE.- Voilà votre fille qui consent aux volontés de son père.

MADAME JOURDAIN.- Ma fille consent à épouser un Turc?

DORANTE.- Sans doute.

MADAME JOURDAIN.- Elle peut oublier Cléonte?

DORANTE.- Que ne fait-on pas pour être grand'dame?

MADAME JOURDAIN.- Je l'étranglerais de mes mains, si elle avait fait un coup comme celui-là.

MONSIEUR JOURDAIN.- Voilà bien du caquet. Je vous dis que ce mariage-là se fera.

MADAME JOURDAIN.- Je vous dis, moi, qu'il ne se fera point.

MONSIEUR JOURDAIN.- Ah que de bruit.

LUCILE.- Ma mère.

MADAME JOURDAIN.- Allez, vous êtes une coquine.

MONSIEUR JOURDAIN.- Quoi, vous la querellez, de ce qu'elle m'obéit?

MADAME JOURDAIN.- Oui, elle est à moi, aussi bien qu'à vous.

COVIELLE.- Madame...

MADAME JOURDAIN.- Que me voulez-vous conter, vous?

COVIELLE.- Un mot.

MADAME JOURDAIN.- Je n'ai que faire de votre mot.

COVIELLE, à M. Jourdain.- Monsieur, si elle veut écouter une parole en particulier, je vous promets de la faire consentir à ce que vous voulez.

MADAME JOURDAIN.- Je n'y consentirai point.

COVIELLE.- Écoutez-moi seulement.

MADAME JOURDAIN.- Non.

MONSIEUR JOURDAIN.- Écoutez-le.

MADAME JOURDAIN.- Non, je ne veux pas écouter*.

MONSIEUR JOURDAIN.- Il vous dira...

MADAME JOURDAIN.- Je ne veux point qu'il me dise rien.

MONSIEUR JOURDAIN.- Voilà une grande obstination de femme! Cela vous fera-t-il mal, de l'entendre?

COVIELLE.- Ne faites que m'écouter, vous ferez après ce qu'il vous plaira.

MADAME JOURDAIN.- Hé bien, quoi?

COVIELLE, à part.- Il y a une heure, Madame, que nous vous faisons signe. Ne voyez-vous pas bien que tout ceci n'est fait que pour nous ajuster aux visions de votre mari, que nous l'abusons sous ce déguisement, et que c'est Cléonte lui-même qui est le fils du Grand Turc?

MADAME JOURDAIN.- Ah, ah.

COVIELLE.- Et moi, Covielle, qui suis le truchement.

MADAME JOURDAIN.- Ah comme cela, je me rends.

COVIELLE.- Ne faites pas semblant de rien.

MADAME JOURDAIN.- Oui, voilà qui est fait, je consens au mariage.

MONSIEUR JOURDAIN.- Ah voilà tout le monde raisonnable. Vous ne vouliez pas l'écouter. Je savais bien qu'il vous expliquerait ce que c'est que le fils du Grand Turc.

MADAME JOURDAIN.- Il me l'a expliqué comme il faut, et j'en suis satisfaite. Envoyons quérir un notaire.

DORANTE.- C'est fort bien dit. Et afin, Madame Jourdain, que vous puissiez avoir l'esprit tout à fait content, et que vous perdiez aujourd'hui toute la jalousie que vous pourriez avoir conçue de Monsieur votre mari, c'est que nous nous servirons du même notaire pour nous marier Madame, et moi.

MADAME JOURDAIN.- Je consens aussi à cela.

MONSIEUR JOURDAIN.- C'est pour lui faire accroire.

DORANTE.- Il faut bien l'amuser avec cette feinte.

MONSIEUR JOURDAIN.- Bon, bon. Qu'on aille vite quérir le notaire*.

DORANTE.- Tandis qu'il viendra, et qu'il dressera les contrats, voyons notre ballet, et donnons-en le divertissement à Son Altesse Turque.

MONSIEUR JOURDAIN.- C'est fort bien avisé, allons prendre nos places.

MADAME JOURDAIN.- Et Nicole?

MONSIEUR JOURDAIN.- Je la donne au truchement; et ma femme, à qui la voudra.

COVIELLE.- Monsieur, je vous remercie. Si l'on en peut voir un plus fou, je l'irai dire à Rome*.

La comédie finit par un petit ballet qui avait été préparé