Psyché » Acte 4 » SCÈNE IV
PSYCHÉ Cruel destin! funeste inquiétude!Fatale curiosité!Qu'avez-vous fait, affreuse solitude,De toute ma félicité? 1555 J'aimais un Dieu, j'en étais adorée,Mon bonheur redoublait de moment en moment,Et je me vois seule, éplorée,Au milieu d'un désert, où pour accablement,Et confuse, et désespérée, 1560 Je sens croître l'amour, quand j'ai perdu l'amant.Le souvenir m'en charme et m'empoisonne,Sa douceur tyrannise un cœur infortunéQu'aux plus cuisants chagrins ma flamme a condamné.Ô Ciel! quand l'Amour m'abandonne, 1565 Pourquoi me laisse-t-il l'amour qu'il m'a donné?Source de tous les biens inépuisable et pure,Maître des hommes et des Dieux,Cher auteur des maux que j'endure,Êtes-vous pour jamais disparu de mes yeux? 1570 Je vous en ai banni moi-même,Dans un excès d'amour, dans un bonheur extrême,D'un indigne soupçon mon cœur s'est alarmé;Cœur ingrat, tu n'avais qu'un feu mal allumé,Et l'on ne peut vouloir du moment que l'on aime, 1575 Que ce que veut l'objet aimé.Mourons, c'est le parti qui seul me reste à suivre,Après la perte que je fais.Pour qui, grands Dieux, voudrais-je vivre,Et pour qui former des souhaits? 1580 Fleuve, de qui les eaux baignent ces tristes sables,Ensevelis mon crime dans tes flots,Et pour finir des maux si déplorables,Laisse-moi dans ton lit assurer mon repos. LE DIEU DU FLEUVE Ton trépas souillerait mes ondes, 1585 Psyché, le Ciel te le défend,Et peut-être qu'après des douleurs si profondesUn autre sort t'attend.Fuis plutôt de Vénus l'implacable colère:Je la vois qui te cherche et qui te veut punir, 1590 L'amour du fils a fait la haine de la mère,Fuis, je saurai la retenir. PSYCHÉ J'attends ses fureurs vengeresses.Qu'auront-elles pour moi qui ne me soit trop doux?Qui cherche le trépas, ne craint Dieux, ni Déesses, 1595 Et peut braver tout leur courroux.
|