Monsieur de Pourceaugnac » Acte 1 » SCÈNE VI
PREMIER MÉDECIN, UN PAYSAN, UNE PAYSANNE, ÉRASTE, L'APOTHICAIRE.LE PAYSAN.- Monsieur, il n'en peut plus, et il dit qu'il sent dans la tête les plus grandes douleurs du monde.PREMIER MÉDECIN.- Le malade est un sot, d'autant plus que dans la maladie dont il est attaqué, ce n'est pas la tête, selon Galien*, mais la rate, qui lui doit faire mal.LE PAYSAN.- Quoi que c'en soit, Monsieur, il a toujours avec cela son cours de ventre depuis six mois.PREMIER MÉDECIN.- Bon, c'est signe que le dedans se dégage. Je l'irai visiter dans deux ou trois jours; mais s'il mourait avant ce temps-là, ne manquez pas de m'en donner avis, car il n'est pas de la civilité, qu'un médecin visite un mort.LA PAYSANNE.- Mon père, Monsieur, est toujours malade de plus en plus.PREMIER MÉDECIN.- Ce n'est pas ma faute; je lui donne des remèdes, que ne guérit-il? Combien a-t-il été saigné de fois?LA PAYSANNE.- Quinze, Monsieur, depuis vingt jours.PREMIER MÉDECIN.- Quinze fois saigné?LA PAYSANNE.- Oui.PREMIER MÉDECIN.- Et il ne guérit point?LA PAYSANNE.- Non, Monsieur.PREMIER MÉDECIN.- C'est signe que la maladie n'est pas dans le sang. Nous le ferons purger autant de fois, pour voir si elle n'est pas dans les humeurs; et si rien ne nous réussit, nous l'enverrons aux bains.L'APOTHICAIRE.- Voilà le fin cela, voilà le fin de la médecine.ÉRASTE.- C'est moi, Monsieur, qui vous ai envoyé parler ces jours passés pour un parent un peu troublé d'esprit, que je veux vous donner chez vous, afin de le guérir avec plus de commodité, et qu'il soit vu de moins de monde.PREMIER MÉDECIN.- Oui, Monsieur, j'ai déjà disposé tout, et promets d'en avoir tous les soins imaginables.ÉRASTE.- Le voici*.PREMIER MÉDECIN.- La conjoncture est tout à fait heureuse, et j'ai ici un Ancien de mes amis avec lequel je serai bien aise de consulter sa maladie.
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