Accueil Biographie Personnages Contact Sites partenaires
»L'Étourdi ou les contretemps
»Les Precieuses ridicules
»Le Dépit Amoureux
»Sganarelle ou le cocu imaginaire
»Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
»L'École des maris
»Les Fâcheux
»L'École des femmes
»La Critique de L'École des femmes
»L'Impromptu de Versailles
»Le mariage forcé
»La Princesse d'Élide
»Le Tartuffe ou l'Imposteur
»Dom Juan ou le Festin de pierre
»L'Amour Médecin
»Le Misanthrope
»Le médecin malgré lui
»Mélicerte
»Pastorale comique
»Le Sicilien ou l'Amour peintre
»Amphitryon
»George Dandin ou le mari confondu
»L'Avare
»Monsieur de Pourceaugnac
»Les amants magnifiques
»Le bourgeois gentilhomme
»Psyché
»Les fourberies de Scapin
»La Comtesse d'Escarbagnas
»Les Femmes savantes
»Le Malade imaginaire
     
Actes de l'oeuvre
George Dandin ou le mari confondu :

¤Acte 1
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
¤Acte 2
¤Acte 3
 
 

 

George Dandin ou le mari confondu » Acte 1 » SCÈNE VI

MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, ANGÉLIQUE, CLITANDRE, GEORGE DANDIN, CLAUDINE.

MADAME DE SOTENVILLE.- Pour ce qui est de cela, la jalousie est une étrange chose! J'amène ici ma fille pour éclaircir l'affaire en présence de tout le monde.

CLITANDRE.- Est-ce donc vous, Madame, qui avez dit à votre mari que je suis amoureux de vous?

ANGÉLIQUE.- Moi, et comment lui aurais-je dit? Est-ce que cela est? Je voudrais bien le voir vraiment que vous fussiez amoureux de moi. Jouez-vous-y, je vous en prie, vous trouverez à qui parler. C'est une chose que je vous conseille de faire. Ayez recours pour voir à tous les détours des amants. Essayez un peu par plaisir à m'envoyer des ambassades, à m'écrire secrètement de petits billets doux, à épier les moments que mon mari n'y sera pas, ou le temps que je sortirai pour me parler de votre amour. Vous n'avez qu'à y venir, je vous promets que vous serez reçu comme il faut.

CLITANDRE.- Hé là là, Madame, tout doucement. Il n'est pas nécessaire de me faire tant de leçons, et de vous tant scandaliser. Qui vous dit que je songe à vous aimer?

ANGÉLIQUE.- Que sais-je moi ce qu'on me vient conter ici?

CLITANDRE.- On dira ce que l'on voudra. Mais vous savez si je vous ai parlé d'amour, lorsque je vous ai rencontrée.

ANGÉLIQUE.- Vous n'aviez qu'à le faire, vous auriez été bien venu.

CLITANDRE.- Je vous assure qu'avec moi vous n'avez rien à craindre. Que je ne suis point homme à donner du chagrin aux belles, et que je vous respecte trop, et vous et Messieurs vos parents, pour avoir la pensée d'être amoureux de vous.

MADAME DE SOTENVILLE.- Hé bien vous le voyez.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Vous voilà satisfait, mon gendre, que dites-vous à cela?

GEORGE DANDIN.- Je dis que ce sont là des contes à dormir debout. Que je sais bien ce que je sais, et que tantôt, puisqu'il faut parler*, elle a reçu une ambassade de sa part.

ANGÉLIQUE.- Moi, j'ai reçu une ambassade.

CLITANDRE.- J'ai envoyé une ambassade?

ANGÉLIQUE.- Claudine.

CLITANDRE.- Est-il vrai?

CLAUDINE.- Par ma foi voilà une étrange fausseté.

GEORGE DANDIN.- Taisez-vous, carogne que vous êtes. Je sais de vos nouvelles, et c'est vous qui tantôt avez introduit le courrier*.

CLAUDINE.- Qui, moi?

GEORGE DANDIN.- Oui vous. Ne faites point tant la sucrée*.

CLAUDINE.- Hélas! que le monde aujourd'hui est rempli de méchanceté, de m'aller soupçonner ainsi, moi qui suis l'innocence même.

GEORGE DANDIN.- Taisez-vous, bonne pièce*. Vous faites la sournoise. Mais je vous connais il y a longtemps, et vous êtes une dessalée.

CLAUDINE.- Madame, est-ce que...

GEORGE DANDIN.- Taisez-vous, vous dis-je, vous pourriez bien porter la folle enchère de tous les autres*. Et vous n'avez point de père gentilhomme.

ANGÉLIQUE.- C'est une imposture si grande, et qui me touche si fort au cœur, que je ne puis pas même avoir la force d'y répondre; cela est bien horrible d'être accusée par un mari lorsqu'on ne lui fait rien qui ne soit à faire. Hélas! si je suis blâmable de quelque chose, c'est d'en user trop bien avec lui.

CLAUDINE.- Assurément.

ANGÉLIQUE.- Tout mon malheur est de le trop considérer, et plût au Ciel que je fusse capable de souffrir, comme il dit, les galanteries de quelqu'un, je ne serais pas tant à plaindre. Adieu, je me retire, et je ne puis plus endurer qu'on m'outrage de cette sorte.

MADAME DE SOTENVILLE.- Allez, vous ne méritez pas l'honnête femme qu'on vous a donnée.

CLAUDINE.- Par ma foi, il mériterait qu'elle lui fît dire vrai, et si j'étais en sa place je n'y marchanderais* pas. Oui, Monsieur, vous devez pour le punir, faire l'amour à ma maîtresse. Poussez, c'est moi qui vous le dis, ce sera fort bien employé, et je m'offre à vous y servir, puisqu'il m'en a déjà taxée*.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Vous méritez, mon gendre, qu'on vous dise ces choses-là, et votre procédé met tout le monde contre vous.

MADAME DE SOTENVILLE.- Allez, songez à mieux traiter une Demoiselle bien née, et prenez garde désormais à ne plus faire de pareilles bévues.

GEORGE DANDIN.- J'enrage de bon cœur d'avoir tort, lorsque j'ai raison.

CLITANDRE.- Monsieur, vous voyez comme j'ai été faussement accusé. Vous êtes homme qui savez les maximes du point d'honneur, et je vous demande raison de l'affront qui m'a été fait.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Cela est juste, et c'est l'ordre des procédés*. Allons, mon gendre, faites satisfaction* à Monsieur.

GEORGE DANDIN.- Comment satisfaction?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Oui. Cela se doit dans les règles pour l'avoir à tort accusé.

GEORGE DANDIN.- C'est une chose moi dont je ne demeure pas d'accord de l'avoir à tort accusé, et je sais bien ce que j'en pense.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Il n'importe. Quelque pensée qui vous puisse rester, il a nié, c'est satisfaire les personnes, et l'on n'a nul droit de se plaindre de tout homme qui se dédit.

GEORGE DANDIN.- Si bien donc que si je le trouvais couché avec ma femme, il en serait quitte pour se dédire?

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Point de raisonnement. Faites-lui les excuses que je vous dis.

GEORGE DANDIN.- Moi, je lui ferai encore des excuses après...

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Allons vous dis-je. Il n'y a rien à balancer*, et vous n'avez que faire d'avoir peur d'en trop faire, puisque c'est moi qui vous conduis.

GEORGE DANDIN.- Je ne saurais...

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Corbleu, mon gendre, ne m'échauffez pas la bile, je me mettrais avec lui contre vous. Allons. Laissez-vous gouverner par moi.

GEORGE DANDIN.- Ah George Dandin!

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Votre bonnet à la main le premier, Monsieur est gentilhomme, et vous ne l'êtes pas.

GEORGE DANDIN.- J'enrage.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Répétez après moi. Monsieur.

GEORGE DANDIN.- Monsieur.

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Il voit que son gendre fait difficulté de lui obéir.- Je vous demande pardon. Ah!

GEORGE DANDIN.- Je vous demande pardon.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous.

GEORGE DANDIN.- Des mauvaises pensées que j'ai eues de vous.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- C'est que je n'avais pas l'honneur de vous connaître.

GEORGE DANDIN.- C'est que je n'avais pas l'honneur de vous connaître.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Et je vous prie de croire.

GEORGE DANDIN.- Et je vous prie de croire.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Que je suis votre serviteur*.

GEORGE DANDIN.- Voulez-vous que je sois serviteur d'un homme qui me veut faire cocu?

MONSIEUR DE SOTENVILLE. Il le menace encore.- Ah!

CLITANDRE.- Il suffit, Monsieur.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Non, je veux qu'il achève, et que tout aille dans les formes. Que je suis votre serviteur.

GEORGE DANDIN.- Que je suis votre serviteur.

CLITANDRE.- Monsieur, je suis le vôtre de tout mon cœur, et je ne songe plus à ce qui s'est passé. Pour vous, Monsieur, je vous donne le bonjour, et suis fâché du petit chagrin que vous avez eu.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Je vous baise les mains, et quand il vous plaira je vous donnerai le divertissement de courre un lièvre.

CLITANDRE.- C'est trop de grâces que vous me faites.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Voilà, mon gendre, comme il faut pousser les choses. Adieu. Sachez que vous êtes entré dans une famille qui vous donnera de l'appui, et ne souffrira point que l'on vous fasse aucun affront.