L'École des femmes » Acte 4 » SCÈNE VI
HORACE, ARNOLPHE. HORACE La place m'est heureuse à vous y rencontrer,Je viens de l'échapper bien belle je vous jure, 1145 Au sortir d'avec vous sans prévoir l'aventure,Seule dans son balcon j'ai vu paraître Agnès,Qui des arbres prochains prenait un peu le frais;Après m'avoir fait signe, elle a su faire en sorteDescendant au jardin, de m'en ouvrir la porte: 1150 Mais à peine tous deux dans sa chambre étions-nous,Qu'elle a sur les degrés entendu son jaloux,Et tout ce qu'elle a pu dans un tel accessoire*,C'est de me renfermer dans une grande armoire;Il est entré d'abord; je ne le voyais pas, 1155 Mais je l'oyais marcher sans rien dire à grands pas;Poussant de temps en temps des soupirs pitoyables,Et donnant quelquefois de grands coups sur les tables,Frappant un petit chien qui pour lui s'émouvait,Et jetant brusquement les hardes qu'il trouvait, 1160 Il a même cassé d'une main mutinée,Des vases dont la belle ornait sa cheminée,Et sans doute il faut bien qu'à ce becque cornu*,Du trait qu'elle a joué quelque jour soit venu;Enfin après cent tours* ayant de la manière, 1165 Sur ce qui n'en peut mais déchargé sa colère,Mon jaloux inquiet sans dire son ennui,Est sorti de la chambre, et moi de mon étui,Nous n'avons point voulu, de peur du personnage,Risquer à nous tenir ensemble davantage, 1170 C'était trop hasarder; mais je dois cette nuit,Dans sa chambre un peu tard m'introduire sans bruit,En toussant par trois fois je me ferai connaître,Et je dois au signal voir ouvrir la fenêtre,Dont avec une échelle, et secondé d'Agnès, 1175 Mon amour tâchera de me gagner l'accès.Comme à mon seul ami je veux bien vous l'apprendre,L'allégresse du cœur s'augmente à la répandre,Et goûtât-on cent fois un bonheur trop parfait*,On n'en est pas content si quelqu'un ne le sait; 1180 Vous prendrez part je pense à l'heur de mes affairesAdieu je vais songer aux choses nécessaires.
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