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Actes de l'oeuvre
Monsieur de Pourceaugnac :

¤Acte 1
¤Acte 2
¤Acte 3
ºSCÈNE PREMIERE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
 
 

 

Monsieur de Pourceaugnac » Acte 3 » SCÈNE VII

ÉRASTE, JULIE, SBRIGANI, ORONTE.

ÉRASTE.- Allons, vous viendrez malgré vous, et je veux vous remettre entre les mains de votre père. Tenez, Monsieur, voilà votre fille que j'ai tirée de force d'entre les mains de l'homme avec qui elle s'enfuyait; non pas pour l'amour d'elle, mais pour votre seule considération; car après l'action qu'elle a faite, je dois la mépriser, et me guérir absolument de l'amour que j'avais pour elle.

ORONTE.- Ah! infâme que tu es!

ÉRASTE.- Comment? me traiter de la sorte, après toutes les marques d'amitié que je vous ai données! Je ne vous blâme point de vous être soumise aux volontés de Monsieur votre père: il est sage et judicieux dans les choses qu'il fait, et je ne me plains point de lui de m'avoir rejeté pour un autre. S'il a manqué à la parole qu'il m'avait donnée, il a ses raisons pour cela. On lui a fait croire que cet autre est plus riche que moi de quatre ou cinq mille écus; et quatre ou cinq mille écus est* un denier considérable, et qui vaut bien la peine qu'un homme manque à sa parole; mais oublier en un moment toute l'ardeur que je vous ai montrée, vous laisser d'abord enflammer d'amour pour un nouveau venu, et le suivre honteusement sans le consentement de Monsieur votre père, après les crimes qu'on lui impute, c'est une chose condamnée de tout le monde, et dont mon cœur ne peut vous faire d'assez sanglants reproches.

JULIE.- Hé bien! oui, j'ai conçu de l'amour pour lui, et je l'ai voulu suivre, puisque mon père me l'avait choisi pour époux. Quoi que vous me disiez, c'est un fort honnête homme; et tous les crimes dont on l'accuse, sont faussetés épouvantables.

ORONTE.- Taisez-vous! Vous êtes une impertinente, et je sais mieux que vous ce qui en est.

JULIE.- Ce sont sans doute des pièces* qu'on lui fait, et c'est peut-être lui qui a trouvé cet artifice pour vous en dégoûter.

ÉRASTE.- Moi, je serais capable de cela!

JULIE.- Oui, vous.

ORONTE.- Taisez-vous! vous dis-je; vous êtes une sotte.

ÉRASTE.- Non, non, ne vous imaginez pas que j'aie aucune envie de détourner ce mariage, et que ce soit ma passion qui m'ait forcé à courir après vous. Je vous l'ai déjà dit, ce n'est que la seule considération que j'ai pour Monsieur votre père, et je n'ai pu souffrir qu'un honnête homme comme lui fût exposé à la honte de tous les bruits qui pourraient suivre une action comme la vôtre.

ORONTE.- Je vous suis, Seigneur Éraste, infiniment obligé.

ÉRASTE.- Adieu, Monsieur. J'avais toutes les ardeurs du monde d'entrer dans votre alliance, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour obtenir un tel honneur; mais j'ai été malheureux, et vous ne m'avez pas jugé digne de cette grâce. Cela n'empêchera pas que je ne conserve pour vous les sentiments d'estime et de vénération où votre personne m'oblige; et si je n'ai pu être votre gendre, au moins serai-je éternellement votre serviteur.

ORONTE.- Arrêtez, Seigneur Éraste; votre procédé me touche l'âme, et je vous donne ma fille en mariage.

JULIE.- Je ne veux point d'autre mari que Monsieur de Pourceaugnac.

ORONTE.- Et je veux, moi, tout à l'heure, que tu prennes le Seigneur Éraste. Çà, la main.

JULIE.- Non, je n'en ferai rien.

ORONTE.- Je te donnerai sur les oreilles.

ÉRASTE.- Non, non, Monsieur, ne lui faites point de violence, je vous en prie.

ORONTE.- C'est à elle à m'obéir, et je sais me montrer le maître.

ÉRASTE.- Ne voyez-vous pas l'amour qu'elle a pour cet homme-là? et voulez-vous que je possède un corps dont un autre possédera le cœur?

ORONTE.- C'est un sortilège qu'il lui a donné, et vous verrez qu'elle changera de sentiment avant qu'il soit peu. Donnez-moi votre main. Allons.

JULIE.- Je ne...

ORONTE.- Ah que de bruit! Çà, votre main, vous dis-je. Ah, ah, ah!

ÉRASTE.- Ne croyez pas que ce soit pour l'amour de vous que je vous donne la main; ce n'est que de Monsieur votre père dont je suis amoureux, et c'est lui que j'épouse.

ORONTE.- Je vous suis beaucoup obligé; et j'augmente de dix mille écus le mariage* de ma fille. Allons, qu'on fasse venir le notaire pour dresser le contrat.

ÉRASTE.- En attendant qu'il vienne, nous pouvons jouir du divertissement de la saison, et faire entrer les masques que le bruit des noces de Monsieur de Pourceaugnac a attirés ici de tous les endroits de la ville.