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Actes de l'oeuvre
George Dandin ou le mari confondu :

¤Acte 1
¤Acte 2
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
¤Acte 3
 
 

 

George Dandin ou le mari confondu » Acte 2 » SCÈNE VIII

ANGÉLIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE, MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.

ANGÉLIQUE.- Adieu. J'ai peur qu'on ne vous surprenne ici, et j'ai quelques mesures à garder.

CLITANDRE.- Promettez-moi donc, Madame, que je pourrai vous parler cette nuit.

ANGÉLIQUE.- J'y ferai mes efforts.

GEORGE DANDIN.- Approchons doucement par derrière, et tâchons de n'être point vus.

CLAUDINE.- Ah! Madame, tout est perdu. Voilà votre père et votre mère accompagnés de votre mari.

CLITANDRE.- Ah Ciel!

ANGÉLIQUE.- Ne faites pas semblant de rien, et me laissez faire tous deux. Quoi vous osez en user de la sorte, après l'affaire de tantôt, et c'est ainsi que vous dissimulez vos sentiments? On me vient rapporter que vous avez de l'amour pour moi, et que vous faites des desseins de me solliciter. J'en témoigne mon dépit, et m'explique à vous clairement en présence de tout le monde. Vous niez hautement la chose, et me donnez parole de n'avoir aucune pensée de m'offenser, et cependant le même jour vous prenez la hardiesse de venir chez moi me rendre visite. De me dire que vous m'aimez, et de me faire cent sots contes pour me persuader de répondre à vos extravagances; comme si j'étais femme à violer la foi que j'ai donnée à un mari, et m'éloigner jamais de la vertu que mes parents m'ont enseignée. Si mon père savait cela, il vous apprendrait bien à tenter de ces entreprises. Mais une honnête femme n'aime point les éclats. Je n'ai garde de lui en rien dire, et je veux vous montrer que toute femme que je suis, j'ai assez de courage pour me venger moi-même des offenses que l'on me fait. L'action que vous avez faite n'est pas d'un gentilhomme, et ce n'est pas en gentilhomme aussi que je veux vous traiter. Elle prend un bâton, et bât son mari au lieu de Clitandre, qui se met entre deux.

CLITANDRE.- Ah, ah, ah, ah, ah. Doucement.

CLAUDINE.- Fort, Madame, frappez comme il faut.

ANGÉLIQUE.- S'il vous demeure quelque chose sur le cœur, je suis pour vous répondre.

CLAUDINE.- Apprenez à qui vous vous jouez.

ANGÉLIQUE.- Ah mon père vous êtes là!

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Oui, ma fille, et je vois qu'en sagesse, et en courage tu te montres un digne rejeton de la maison de Sotenville. Viens çà, approche-toi que je t'embrasse.

MADAME DE SOTENVILLE.- Embrasse-moi aussi, ma fille. Las! je pleure de joie, et reconnais mon sang aux choses que tu viens de faire.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Mon gendre, que vous devez être ravi et que cette aventure est pour vous pleine de douceurs. Vous aviez un juste sujet de vous alarmer, mais vos soupçons se trouvent dissipés le plus avantageusement du monde.

MADAME DE SOTENVILLE.- Sans doute, notre gendre, et vous devez* maintenant être le plus content des hommes.

CLAUDINE.- Assurément. Voilà une femme, celle-là, vous êtes trop heureux de l'avoir, et vous devriez baiser les pas où elle passe.

GEORGE DANDIN.- Euh traîtresse!

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Qu'est-ce, mon gendre? que ne remerciez-vous un peu votre femme, de l'amitié que vous voyez qu'elle montre pour vous?

ANGÉLIQUE.- Non non, mon père, il n'est pas nécessaire. Il ne m'a aucune obligation de ce qu'il vient de voir, et tout ce que j'en fais n'est que pour l'amour de moi-même.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Où allez-vous, ma fille?

ANGÉLIQUE.- Je me retire, mon père, pour ne me voir point obligée à recevoir ses compliments.

CLAUDINE.- Elle a raison d'être en colère. C'est une femme qui mérite d'être adorée, et vous ne la traitez pas comme vous devriez.

GEORGE DANDIN.- Scélérate.

MONSIEUR DE SOTENVILLE.- C'est un petit ressentiment de l'affaire de tantôt, et cela se passera avec un peu de caresse que vous lui ferez. Adieu, mon gendre, vous voilà en état de ne vous plus inquiéter. Allez-vous-en faire la paix ensemble, et tâchez de l'apaiser par des excuses de votre emportement.

MADAME DE SOTENVILLE.- Vous devez considérer que c'est une fille élevée à la vertu, et qui n'est point accoutumée à se voir soupçonner d'aucune vilaine action. Adieu. Je suis ravie de voir vos désordres finis et des transports de joie que vous doit donner sa conduite.

GEORGE DANDIN.- Je ne dis mot. Car je ne gagnerais rien à parler, et jamais* il ne s'est rien vu d'égal à ma disgrâce. Oui, j'admire mon malheur, et la subtile adresse de ma carogne de femme pour se donner toujours raison, et me faire avoir tort. Est-il possible que toujours j'aurai du dessous avec elle; que les apparences toujours tourneront contre moi, et que je ne parviendrai point à convaincre mon effrontée? Ô Ciel! seconde mes desseins, et m'accorde la grâce de faire voir aux gens que l'on me déshonore.