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Actes de l'oeuvre
L'École des maris :

¤Acte 1
¤Acte 2
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
ºSCÈNE IX
ºSCÈNE X
¤Acte 3
 
 

 

L'École des maris » Acte 2 » SCÈNE VII

SGANARELLE, ISABELLE.


SGANARELLE
Jamais amant n'a fait tant de trouble éclater,
Au poulet renvoyé sans le décacheter:
595 Il perd toute espérance, enfin, et se retire;
Mais il m'a tendrement conjuré de te dire,
Que du moins en t'aimant il n'a jamais pensé
À rien dont ton honneur ait lieu d'être offensé,
Et que ne dépendant que du choix de son âme,
600 Tous ses désirs étaient de t'obtenir pour femme,
Si les destins en moi qui captive ton cœur,
N'opposaient un obstacle à cette juste ardeur,
Que quoi qu'on puisse faire il ne te faut pas croire,
Que jamais tes appas sortent de sa mémoire:
605 Que quelque arrêt des Cieux qu'il lui faille subir,
Son sort est de t'aimer jusqu'au dernier soupir.
Et que si quelque chose étouffe sa poursuite,
C'est le juste respect qu'il a pour mon mérite,
Ce sont ses propres mots, et loin de le blâmer,
610 Je le trouve honnête homme, et le plains de t'aimer.

ISABELLE, bas.
Ses feux ne trompent point ma secrète croyance,
Et toujours ses regards m'en ont dit l'innocence.

SGANARELLE
Que dis-tu?

ISABELLE
Qu'il m'est dur que vous plaigniez si fort
Un homme que je hais à l'égal de la mort,
615 Et que si vous m'aimiez autant que vous le dites,
Vous sentiriez l'affront que me font les poursuites*.

SGANARELLE
Mais il ne savait pas tes inclinations,
Et par l'honnêteté de ses intentions
Son amour ne mérite...

ISABELLE
Est-ce les avoir bonnes,
620 Dites-moi de vouloir enlever les personnes,
Est-ce être homme d'honneur de former des desseins
Pour m'épouser de force en m'ôtant de vos mains?
Comme si j'étais fille à supporter la vie,
Après qu'on m'aurait fait une telle infamie.

SGANARELLE
Comment?

ISABELLE
625 Oui, oui, j'ai su que ce traître d'amant,
Parle de m'obtenir par un enlèvement,
Et j'ignore pour moi les pratiques* secrètes,
Qui l'ont instruit sitôt du dessein que vous faites,
De me donner la main dans huit jours au plus tard,
630 Puisque ce n'est que d'hier que vous m'en fîtes part;
Mais il veut prévenir dit-on cette journée,
Qui doit à votre sort unir ma destinée.

SGANARELLE
Voilà qui ne vaut rien.

ISABELLE
Oh que pardonnez-moi,
C'est un fort honnête homme, et qui ne sent pour moi...

SGANARELLE
635 Il a tort, et ceci passe la raillerie.

ISABELLE
Allez votre douceur entretient sa folie,
S'il vous eût vu tantôt lui parler vertement,
Il craindrait vos transports, et mon ressentiment;
Car c'est encor depuis sa lettre méprisée,
640 Qu'il a dit ce dessein qui m'a scandalisée,
Et son amour conserve ainsi que je l'ai su,
La croyance qu'il est dans mon cœur bien reçu,
Que je fuis votre hymen*, quoi que le monde en croie,
Et me verrais tirer de vos mains avec joie.

SGANARELLE
Il est fou.

ISABELLE
645 Devant vous il sait se déguiser,
Et son intention est de vous amuser*,
Croyez par ces beaux mots que le traître vous joue,
Je suis bien malheureuse, il faut que je l'avoue,
Qu'avecque tous mes soins pour vivre dans l'honneur,
650 Et rebuter les vœux d'un lâche suborneur,
Il faille être exposée aux fâcheuses surprises,
De voir faire sur moi d'infâmes entreprises.

SGANARELLE
Va ne redoute rien.

ISABELLE
Pour moi je vous le di,
Si vous n'éclatez fort contre un trait si hardi,
655 Et ne trouvez bientôt moyen de me défaire,
Des persécutions d'un pareil téméraire,
J'abandonnerai tout et renonce à l'ennui,
De souffrir les affronts que je reçois de lui.

SGANARELLE
Ne t'afflige point tant, va ma petite femme,
660 Je m'en vais le trouver, et lui chanter sa gamme*.

ISABELLE
Dites-lui bien au moins, qu'il le nierait en vain,
Que c'est de bonne part qu'on m'a dit son dessein,
Et qu'après cet avis, quoi qu'il puisse entreprendre,
J'ose le défier de me pouvoir surprendre;
665 Enfin que sans plus perdre et soupirs et moments,
Il doit savoir pour vous quels sont mes sentiments,
Et que si d'un malheur il ne veut être cause,
Il ne se fasse pas deux fois dire une chose.

SGANARELLE
Je dirai ce qu'il faut.

ISABELLE
Mais tout cela d'un ton
670 Qui marque que mon cœur lui parle tout de bon.

SGANARELLE
Va je n'oublierai rien, je t'en donne assurance.

ISABELLE
J'attends votre retour avec impatience,
Hâtez-le, s'il vous plaît, de tout votre pouvoir,
Je languis quand je suis un moment sans vous voir.

SGANARELLE
675 Va pouponne, mon cœur, je reviens tout à l'heure*.
Est-il une personne, et plus sage et meilleure?
Ah! que je suis heureux, et que j'ai de plaisir,
De trouver une femme au gré de mon désir,
Oui, voilà comme il faut que les femmes soient faites,
680 Et non comme j'en sais, de ces franches coquettes,
Qui s'en laissent conter, et font dans tout Paris
Montrer au bout du doigt leurs honnêtes maris;
Holà notre galant aux belles entreprises.