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Actes de l'oeuvre
Le Dépit Amoureux :

¤Acte I
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºScene II
ºScene III
ºScene IV
ºScene V
¤Acte II
¤Acte III
¤Acte IV
¤Acte V
 
 

 

Le Dépit Amoureux » Acte I » Scene IV

MASCARILLE, ÉRASTE, GROS-RENÉ.


MASCARILLE
Non, je ne trouve point d'état plus malheureux,
Que d'avoir un patron jeune et fort amoureux.

GROS-RENÉ
Bonjour.

MASCARILLE
Bonjour.

GROS-RENÉ
Où tend Mascarille à cette heure ?
Que fait-il ? revient-il ? va-t-il ? ou s'il demeure ?

MASCARILLE
235 Non, je ne reviens pas; car je n'ai pas été:
Je ne vais pas aussi; car je suis arrêté:
Et ne demeure point; car, tout de ce pas même,
Je prétends m'en aller.

ÉRASTE
La rigueur est extrême:
Doucement, Mascarille.

MASCARILLE
Ha! Monsieur, serviteur.

ÉRASTE
240 Vous nous fuyez bien vite? Hé quoi ! vous fais-je peur ?

MASCARILLE
Je ne crois pas cela de votre courtoisie.

ÉRASTE
Touche: nous n'avons plus sujet de jalousie;
Nous devenons amis, et mes feux que j'éteins
Laissent la place libre à vos heureux desseins.

MASCARILLE
Plût à Dieu!

ÉRASTE
245 Gros-René sait qu'ailleurs je me jette.

GROS-RENÉ
Sans doute*; et je te cède aussi la Marinette.

MASCARILLE
Passons sur ce point-là; notre rivalité
N'est pas pour en venir à grande extrémité:
Mais, est-ce un coup bien sûr que Votre Seigneurie
250 Soit désenamourée, ou si c'est raillerie ?

ÉRASTE
J'ai su qu'en ses amours ton maître était trop bien;
Et je serais un fou de prétendre plus rien
Aux étroites faveurs qu'il a de cette belle*.

MASCARILLE
Certes, vous me plaisez avec cette nouvelle;
255 Outre qu'en nos projets je vous craignais un peu,
Vous tirez sagement votre épingle du jeu.
Oui, vous avez bien fait de quitter une place,
Où l'on vous caressait pour la seule grimace;
Et mille fois, sachant tout ce qui se passait,
260 J'ai plaint le faux espoir dont on vous repaissait.
On offense un brave homme alors que l'on l'abuse.
Mais, d'où, diantre, après tout, avez-vous su la ruse?
Car cet engagement mutuel de leur foi
N'eut, pour témoins, la nuit, que deux autres et moi;
265 Et l'on croit jusqu'ici la chaîne fort secrète
Qui rend de nos amants la flamme satisfaite.

ÉRASTE
Hé! que dis-tu ?

MASCARILLE
Je dis que je suis interdit:
Et ne sais pas, Monsieur, qui peut vous avoir dit,
Que, sous ce faux semblant qui trompe tout le monde,
270 En vous trompant aussi, leur ardeur sans seconde
D'un secret mariage a serré le lien.

ÉRASTE
Vous en avez menti.

MASCARILLE
Monsieur, je le veux bien.

ÉRASTE
Vous êtes un coquin.

MASCARILLE
D'accord.

ÉRASTE
Et cette audace
Mériterait cent coups de bâton sur la place.

MASCARILLE
Vous avez tout pouvoir.

ÉRASTE
Ha! Gros-René.

GROS-RENÉ
275 Monsieur.

ÉRASTE
Je démens un discours dont je n'ai que trop peur.
(À Mascarille.)
Tu penses fuir ?

MASCARILLE
Nenni.

ÉRASTE
Quoi ! Lucile est la femme...

MASCARILLE
Non, Monsieur, je raillais.

ÉRASTE
Ah! vous railliez*! infâme.

MASCARILLE
Non, je ne raillais point.

ÉRASTE
Il est donc vrai ?

MASCARILLE
Non pas,
Je ne dis pas cela.

ÉRASTE
Que dis-tu donc ?

MASCARILLE
280 Hélas!
Je ne dis rien, de peur de mal parler.

ÉRASTE
Assure,
Ou si c'est chose vraie, ou si c'est imposture.

MASCARILLE
C'est ce qu'il vous plaira: je ne suis pas ici
Pour vous rien contester.

ÉRASTE*
Veux-tu dire ? Voici,
285 Sans marchander, de quoi te délier la langue.

MASCARILLE
Elle ira faire encor quelque sotte harangue.
Hé, de grâce, plutôt, si vous le trouvez bon,
Donnez-moi vitement quelques coups de bâton,
Et me laissez tirer mes chausses* sans murmure.

ÉRASTE
290 Tu mourras, ou je veux que la vérité pure
S'exprime par ta bouche.

MASCARILLE
Hélas! Je la dirai:
Mais, peut-être, Monsieur, que je vous fâcherai.

ÉRASTE
Parle: mais prends bien garde à ce que tu vas faire,
À ma juste fureur rien ne te peut soustraire,
295 Si tu mens d'un seul mot en ce que tu diras.

MASCARILLE
J'y consens, rompez-moi les jambes et les bras,
Faites-moi pis encor, tuez-moi si j'impose*
En tout ce que j'ai dit ici la moindre chose.

ÉRASTE
Ce mariage est vrai ?

MASCARILLE
Ma langue, en cet endroit,
300 A fait un pas de clerc dont elle s'aperçoit:
Mais, enfin, cette affaire est comme vous la dites,
Et c'est après cinq jours de nocturnes visites,
Tandis que vous serviez à mieux couvrir leur jeu,
Que depuis avant-hier ils sont joints de ce nœud;
305 Et Lucile depuis fait encor moins paraître
La violente amour qu'elle porte à mon maître,
Et veut absolument que tout ce qu'il verra,
Et qu'en votre faveur son cœur témoignera,
Il l'impute à l'effet d'une haute prudence;
310 Qui veut de leurs secrets ôter la connaissance.
Si, malgré mes serments, vous doutez de ma foi,
Gros-René peut venir une nuit avec moi;
Et je lui ferai voir étant en sentinelle
Que nous avons dans l'ombre un libre accès chez elle.

ÉRASTE
Ote-toi de mes yeux, maraud.

MASCARILLE
315 Et de grand cœur;
C'est ce que je demande.

ÉRASTE
Hé bien ?

GROS-RENÉ
Hé bien, Monsieur,
Nous en tenons* tous deux, si l'autre est véritable.

ÉRASTE
Las! il ne l'est que trop, le bourreau détestable.
Je vois trop d'apparence à tout ce qu'il a dit:
320 Et ce qu'a fait Valère, en voyant cet écrit,
Marque bien leur concert, et que c'est une baye*
Qui sert sans doute* aux feux dont l'ingrate le paye.