Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux » Acte 3 » SCÈNE IV
DOM GARCIE, DOM SYLVE. DOM GARCIE 1050 Tout vous rit, et votre âme en cette occasionJouit superbement de ma confusion;Il vous est doux de voir un aveu plein de gloire,Sur les feux d'un rival marquer votre victoire;Mais c'est à votre joie un surcroît sans égal, 1055 D'en avoir pour témoins les yeux de ce rival;Et mes prétentions hautement étouffées,À vos vœux triomphants sont d'illustres trophées;Goûtez à pleins transports ce bonheur éclatant,Mais sachez qu'on n'est pas encore où l'on prétend. 1060 La fureur qui m'anime a de trop justes causes,Et l'on verra peut-être arriver bien des choses;Un désespoir va loin quand il est échappé*,Et tout est pardonnable à qui se voit trompé.Si l'ingrate à mes yeux pour flatter votre flamme, 1065 À jamais n'être à moi, vient d'engager son âme;Je saurai bien trouver dans mon juste courrouxLes moyens d'empêcher qu'elle ne soit à vous. DOM SYLVE Cet obstacle n'est pas ce qui me met en peine,Nous verrons quelle attente en tout cas sera vaine, 1070 Et chacun de ses feux pourra par sa valeur,Ou défendre la gloire, ou venger le malheur.Mais comme entre rivaux, l'âme la plus posée,À des termes d'aigreur, trouve une pente aisée,Et que je ne veux point qu'un pareil entretien 1075 Puisse trop échauffer votre esprit, et le mien:Prince, affranchissez-moi d'une gêne secrète,Et me donnez moyen de faire ma retraite. DOM GARCIE Non, non, ne craignez point qu'on pousse votre esprit,À violer ici l'ordre qu'on vous prescrit; 1080 Quelque juste fureur qui me presse, et vous flatte,Je sais, Comte, je sais, quand il faut qu'elle éclate.Ces lieux vous sont ouverts, oui, sortez-en, sortez,Glorieux des douceurs que vous en remportez;Mais encore une fois, apprenez que ma tête 1085 Peut seule dans vos mains mettre votre conquête. DOM SYLVE Quand nous en serons là, le sort en notre bras*,De tous nos intérêts videra les débats.
|