Le médecin malgré lui » Acte 2 » SCÈNE II
VALÈRE, SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS, JACQUELINE.VALÈRE.- Monsieur préparez-vous, voici notre médecin qui entre.GÉRONTE.- Monsieur, je suis ravi de vous voir chez moi: et nous avons grand besoin de vous.SGANARELLE, en robe de médecin, avec un chapeau des plus pointus.- Hippocrate dit... que nous nous couvrions tous deux.GÉRONTE.- Hippocrate dit cela?SGANARELLE.- Oui.GÉRONTE.- Dans quel chapitre, s'il vous plaît?SGANARELLE.- Dans son chapitre des chapeaux(*).GÉRONTE.- Puisque Hippocrate le dit, il le faut faire.SGANARELLE.- Monsieur le médecin, ayant appris les merveilleuses choses...GÉRONTE.- À qui parlez-vous, de grâce?SGANARELLE.- À vous.GÉRONTE.- Je ne suis pas médecin.SGANARELLE.- Vous n'êtes pas médecin?GÉRONTE.- Non vraiment.SGANARELLE. Il prend ici un bâton, et le bat, comme on l'a battu.- Tout de bon?GÉRONTE.- Tout de bon. Ah! ah! ah!SGANARELLE.- Vous êtes médecin, maintenant, je n'ai jamais eu d'autres licences.GÉRONTE.- Quel diable d'homme m'avez-vous là amené?VALÈRE.- Je vous ai bien dit que c'était un médecin goguenard.GÉRONTE.- Oui, mais je l'enverrais promener avec ses goguenarderies.LUCAS.- Ne prenez pas garde à ça, Monsieu, ce n'est que pour rire.GÉRONTE.- Cette raillerie ne me plaît pas.SGANARELLE.- Monsieur, je vous demande pardon de la liberté que j'ai prise.GÉRONTE.- Monsieur, je suis votre serviteur.SGANARELLE.- Je suis fâché...GÉRONTE.- Cela n'est rien.SGANARELLE.- Des coups de bâton...GÉRONTE.- Il n'y a pas de mal.SGANARELLE.- Que j'ai eu l'honneur de vous donner.GÉRONTE.- Ne parlons plus de cela. Monsieur, j'ai une fille qui est tombée dans une étrange maladie.SGANARELLE.- Je suis ravi, Monsieur, que votre fille ait besoin de moi: et je souhaiterais de tout mon cœur, que vous en eussiez besoin, aussi, vous et toute votre famille, pour vous témoigner l'envie que j'ai de vous servir.GÉRONTE.- Je vous suis obligé de ces sentiments.SGANARELLE.- Je vous assure que c'est du meilleur de mon âme, que je vous parle.GÉRONTE.- C'est trop d'honneur que vous me faites.SGANARELLE.- Comment s'appelle votre fille?GÉRONTE.- Lucinde.SGANARELLE.- Lucinde! Ah beau nom à médicamenter! Lucinde!GÉRONTE.- Je m'en vais voir un peu ce qu'elle fait.SGANARELLE.- Qui est cette grande femme-là?GÉRONTE.- C'est la nourrice d'un petit enfant que j'ai.SGANARELLE.- Peste! le joli meuble que voilà. Ah nourrice, charmante nourrice, ma médecine est la très humble esclave de votre nourricerie; et je voudrais bien être le petit poupon fortuné, qui tétât le lait de vos bonnes grâces (Il lui porte la main sur le sein). Tous mes remèdes; toute ma science, toute ma capacité est à votre service, et...LUCAS.- Avec votte parmission, Monsieu le Médecin, laissez là ma femme, je vous prie.SGANARELLE.- Quoi, est-elle votre femme?LUCAS.- Oui.SGANARELLE. Il fait semblant d'embrasser Lucas: et se tournant du côté de la nourrice, il l'embrasse.- Ah vraiment, je ne savais pas cela: et je m'en réjouis pour l'amour de l'un et de l'autre.LUCAS, en le tirant.- Tout doucement, s'il vous plaît.SGANARELLE.- Je vous assure, que je suis ravi que vous soyez unis ensemble (Il fait encore semblant d'embrasser Lucas: et passant dessous ses bras, se jette au cou de sa femme). Je la félicite d'avoir un mari comme vous: et je vous félicite vous, d'avoir une femme si belle, si sage, et si bien faite, comme elle est.LUCAS, en le tirant encore.- Eh testigué, point tant de compliments, je vous supplie.SGANARELLE.- Ne voulez-vous pas que je me réjouisse avec vous, d'un si bel assemblage?LUCAS.- Avec moi, tant qu'il vous plaira: mais avec ma femme, trêve de sarimonie.SGANARELLE.- Je prends part, également, au bonheur de tous deux (Il continue le même jeu): et si je vous embrasse pour vous en témoigner(*) ma joie, je l'embrasse de même, pour lui en témoigner aussi.LUCAS, en le tirant derechef.- Ah vartigué, Monsieu le Médecin, que de lantiponages.
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