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Actes de l'oeuvre
Les Femmes savantes :

¤Acte 1
¤Acte 2
¤Acte 3
¤Acte 4
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE DERNIÈRE
¤Acte 5
 
 

 

Les Femmes savantes » Acte 4 » SCÈNE III

TRISSOTIN, ARMANDE, PHILAMINTE, CLITANDRE.


TRISSOTIN
1265 Je viens vous annoncer une grande nouvelle.
Nous l'avons en dormant, Madame, échappé belle:
Un monde* près de nous a passé tout du long,
Est chu tout au travers de notre tourbillon;
Et s'il eût en chemin rencontré notre terre,
1270 Elle eût été brisée en morceaux comme verre.

PHILAMINTE
Remettons ce discours pour une autre saison,
Monsieur n'y trouverait ni rime, ni raison;
Il fait profession de chérir l'ignorance,
Et de haïr surtout l'esprit et la science.

CLITANDRE
1275 Cette vérité veut quelque adoucissement.
Je m'explique, Madame, et je hais seulement
La science et l'esprit qui gâtent les personnes.
Ce sont choses de soi qui sont belles et bonnes;
Mais j'aimerais mieux être au rang des ignorants,
1280 Que de me voir savant comme certaines gens.

TRISSOTIN
Pour moi je ne tiens pas, quelque effet qu'on suppose,
Que la science soit pour gâter quelque chose.

CLITANDRE
Et c'est mon sentiment, qu'en faits, comme en propos,
La science est sujette à faire de grands sots.

TRISSOTIN
Le paradoxe est fort.

CLITANDRE
1285 Sans être fort habile,
La preuve m'en serait je pense assez facile.
Si les raisons manquaient, je suis sûr qu'en tout cas
Les exemples fameux ne me manqueraient pas.

TRISSOTIN
Vous en pourriez citer qui ne concluraient guère.

CLITANDRE
1290 Je n'irais pas bien loin pour trouver mon affaire.

TRISSOTIN
Pour moi je ne vois pas ces exemples fameux.

CLITANDRE
Moi, je les vois si bien, qu'ils me crèvent les yeux.

TRISSOTIN
J'ai cru jusques ici que c'était l'ignorance
Qui faisait les grands sots, et non pas la science.

CLITANDRE
1295 Vous avez cru fort mal, et je vous suis garant,
Qu'un sot savant est sot plus qu'un sot ignorant.

TRISSOTIN
Le sentiment commun est contre vos maximes,
Puisque ignorant et sot sont termes synonymes.

CLITANDRE
Si vous le voulez prendre aux usages du mot,
1300 L'alliance est plus grande entre pédant et sot.

TRISSOTIN
La sottise dans l'un se fait voir toute pure.

CLITANDRE
Et l'étude dans l'autre ajoute à la nature.

TRISSOTIN
Le savoir garde en soi son mérite éminent.

CLITANDRE
Le savoir dans un fat* devient impertinent.

TRISSOTIN
1305 Il faut que l'ignorance ait pour vous de grands charmes,
Puisque pour elle ainsi vous prenez tant les armes.

CLITANDRE
Si pour moi l'ignorance a des charmes bien grands,
C'est depuis qu'à mes yeux s'offrent certains savants.

TRISSOTIN
Ces certains savants-là, peuvent à les connaître
1310 Valoir certaines gens que nous voyons paraître.

CLITANDRE
Oui, si l'on s'en rapporte à ces certains savants;
Mais on n'en convient pas chez ces certaines gens.

PHILAMINTE
Il me semble, Monsieur...

CLITANDRE
Eh, Madame, de grâce,
Monsieur est assez fort, sans qu'à son aide on passe:
1315 Je n'ai déjà que trop d'un si rude assaillant;
Et si je me défends, ce n'est qu'en reculant.

ARMANDE
Mais l'offensante aigreur de chaque repartie
Dont vous...

CLITANDRE
Autre second, je quitte la partie.

PHILAMINTE
On souffre aux entretiens ces sortes de combats,
1320 Pourvu qu'à la personne on ne s'attaque pas.

CLITANDRE
Eh, mon Dieu, tout cela n'a rien dont il s'offense;
Il entend raillerie autant qu'homme de France;
Et de bien d'autres traits il s'est senti piquer,
Sans que jamais sa gloire ait fait que s'en moquer.

TRISSOTIN
1325 Je ne m'étonne pas au combat que j'essuie,
De voir prendre à Monsieur la thèse qu'il appuie.
Il est fort enfoncé dans la cour, c'est tout dit*:
La cour, comme l'on sait, ne tient pas pour l'esprit;
Elle a quelque intérêt d'appuyer l'ignorance,
1330 Et c'est en courtisan qu'il en prend la défense.

CLITANDRE
Vous en voulez beaucoup à cette pauvre cour,
Et son malheur est grand, de voir que chaque jour
Vous autres beaux esprits, vous déclamiez contre elle;
Que de tous vos chagrins vous lui fassiez querelle;
1335 Et sur son méchant goût lui faisant son procès,
N'accusiez que lui seul de vos méchants succès.
Permettez-moi, Monsieur Trissotin, de vous dire,
Avec tout le respect que votre nom m'inspire,
Que vous feriez fort bien, vos confrères, et vous,
1340 De parler de la cour d'un ton un peu plus doux;
Qu'à le bien prendre au fond, elle n'est pas si bête
Que vous autres Messieurs vous vous mettez en tête;
Qu'elle a du sens commun pour se connaître à tout;
Que chez elle on se peut former quelque bon goût;
1345 Et que l'esprit du monde y vaut, sans flatterie,
Tout le savoir obscur de la pédanterie.

TRISSOTIN
De son bon goût, Monsieur, nous voyons des effets.

CLITANDRE
Où voyez-vous, Monsieur, qu'elle l'ait si mauvais?

TRISSOTIN
Ce que je vois, Monsieur, c'est que pour la science
1350 Rasius et Baldus font honneur à la France,
Et que tout leur mérite exposé fort au jour,
N'attire point les yeux et les dons de la Cour.

CLITANDRE
Je vois votre chagrin, et que par modestie
Vous ne vous mettez point, Monsieur, de la partie:
1355 Et pour ne vous point mettre aussi dans le propos,
Que font-ils pour l'Etat vos habiles héros?
Qu'est-ce que leurs écrits lui rendent de service,
Pour accuser la cour d'une horrible injustice,
Et se plaindre en tous lieux que sur leurs doctes noms
1360 Elle manque à verser la faveur de ses dons?
Leur savoir à la France est beaucoup nécessaire,
Et des livres qu'ils font la cour a bien affaire.
Il semble à trois gredins, dans leur petit cerveau,
Que pour être imprimés, et reliés en veau,
1365 Les voilà dans l'État d'importantes personnes;
Qu'avec leur plume ils font les destins des couronnes;
Qu'au moindre petit bruit de leurs productions,
Ils doivent voir chez eux voler les pensions;
Que sur eux l'univers a la vue attachée;
1370 Que partout de leur nom la gloire est épanchée,
Et qu'en science ils sont des prodiges fameux,
Pour savoir ce qu'ont dit les autres avant eux,
Pour avoir eu trente ans des yeux et des oreilles,
Pour avoir employé neuf ou dix mille veilles
1375 À se bien barbouiller de grec et de latin,
Et se charger l'esprit d'un ténébreux butin
De tous les vieux fatras qui traînent dans les livres;
Gens qui de leur savoir paraissent toujours ivres;
Riches pour tout mérite, en babil importun,
1380 Inhabiles à tout, vides de sens commun,
Et pleins d'un ridicule, et d'une impertinence
À décrier partout l'esprit et la science.

PHILAMINTE
Votre chaleur est grande, et cet emportement
De la nature en vous marque le mouvement.
1385 C'est le nom de rival qui dans votre âme excite...