Psyché » Acte 4 » SCÈNE PREMIÈRE
AGLAURE, CIDIPPE. AGLAURE Je n'en puis plus, ma sœur, j'ai vu trop de merveilles,L'avenir aura peine à les bien concevoir, 1280 Le soleil qui voit tout, et qui nous fait tout voir,N'en a vu jamais de pareilles.Elles me chagrinent l'esprit,Et ce brillant palais, ce pompeux équipage,Font un odieux étalage 1285 Qui m'accable de honte autant que de dépit.Que la Fortune indignement nous traite,Et que sa largesse indiscrèteProdigue aveuglément, épuise, unit d'efforts,Pour faire de tant de trésors 1290 Le partage d'une cadette! CIDIPPE J'entre dans tous vos sentiments,J'ai les mêmes chagrins, et dans ces lieux charmantsTout ce qui vous déplaît, me blesse;Tout ce que vous prenez pour un mortel affront 1295 Comme vous m'accable et me laisseL'amertume dans l'âme, et la rougeur au front. AGLAURE Non, ma sœur, il n'est point de reines,Qui dans leur propre État parlent en souveraines,Comme Psyché parle en ces lieux. 1300 On l'y voit obéie avec exactitude,Et de ses volontés une amoureuse étudeLes cherche jusque dans ses yeux.Mille beautés s'empressent autour d'elle,Et semblent dire à nos regards jaloux, 1305 "Quels que soient nos attraits, elle est encore plus belle,Et nous qui la servons, le sommes plus que vous."Elle prononce, on exécute,Aucun ne s'en défend, aucun ne s'en rebute:Flore qui s'attache à ses pas 1310 Répand à pleines mains autour de sa personneCe qu'elle a de plus doux appas,Zéphire vole aux ordres qu'elle donne,Et son amante et lui s'en laissant trop charmer,Quittent pour la servir les soins de s'entr'aimer. CIDIPPE 1315 Elle a des dieux à son service,Elle aura bientôt des autels;Et nous ne commandons qu'à de chétifs mortels,De qui l'audace et le capriceContre nous à toute heure en secret révoltés, 1320 Opposent à nos volontésOu le murmure, ou l'artifice. AGLAURE C'était peu que dans notre courTant de cœurs à l'envi nous l'eussent préférée,Ce n'était pas assez que de nuit et de jour 1325 D'une foule d'amants elle y fût adorée:Quand nous nous consolions de la voir au tombeauPar l'ordre imprévu d'un oracle,Elle a voulu de son destin nouveauFaire en notre présence éclater le miracle, 1330 Et choisi nos yeux pour témoinsDe ce qu'au fond du cœur nous souhaitions le moins. CIDIPPE Ce qui le plus me désespère,C'est cet amant parfait et si digne de plaire,Qui se captive sous ses lois. 1335 Quand nous pourrions choisir entre tous les monarques,En est-il un de tant de roisQui porte de si nobles marques?Se voir du bien par delà ses souhaits,N'est souvent qu'un bonheur qui fait des misérables: 1340 Il n'est ni train pompeux, ni superbes palais,Qui n'ouvrent quelque porte à des maux incurables;Mais avoir un amant d'un mérite achevé,Et s'en voir chèrement aimée;C'est un bonheur si haut, si relevé, 1345 Que sa grandeur ne peut être exprimée. AGLAURE N'en parlons plus, ma sœur, nous en mourrions d'ennui,Songeons plutôt à la vengeance,Et trouvons le moyen de rompre entre elle et luiCette adorable intelligence. 1350 La voici. J'ai des coups tous prêts à lui porter,Qu'elle aura peine d'éviter.
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