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Actes de l'oeuvre
L'École des maris :

¤Acte 1
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
¤Acte 2
¤Acte 3
 
 

 

L'École des maris » Acte 1 » SCÈNE PREMIÈRE

SGANARELLE, ARISTE.


SGANARELLE
Mon frère, s'il vous plaît, ne discourons point tant,
Et que chacun de nous vive comme il l'entend;
Bien que sur moi des ans vous ayez l'avantage,
Et soyez assez vieux pour devoir être sage;
5 Je vous dirai pourtant que mes intentions,
Sont de ne prendre point de vos corrections:
Que j'ai pour tout conseil ma fantaisie à suivre,
Et me trouve fort bien de ma façon de vivre.

ARISTE
Mais chacun la condamne.

SGANARELLE
Oui des fous comme vous,
Mon frère.

ARISTE
10 Grand merci, le compliment est doux.

SGANARELLE
Je voudrais bien savoir, puisqu'il faut tout entendre,
Ce que ces beaux censeurs en moi peuvent reprendre?

ARISTE
Cette farouche humeur, dont la sévérité
Fuit toutes les douceurs de la société,
15 À tous vos procédés inspire un air bizarre,
Et jusques à l'habit, vous rend chez vous barbare.

SGANARELLE
Il est vrai qu'à la mode il faut m'assujettir,
Et ce n'est pas pour moi que je me dois vêtir?
Ne voudriez-vous point, par vos belles sornettes,
20 Monsieur mon frère aîné, car Dieu merci vous l'êtes
D'une vingtaine d'ans, à ne vous rien celer,
Et cela ne vaut point la peine d'en parler:
Ne voudriez-vous point, dis-je, sur ces matières,
De vos jeunes muguets* m'inspirer les manières,
25 M'obliger à porter de ces petits chapeaux,
Qui laissent éventer leurs débiles cerveaux,
Et de ces blonds cheveux de qui la vaste enflure
Des visages humains offusque la figure*?
De ces petits pourpoints sous les bras se perdants,
30 Et de ces grands collets jusqu'au nombril pendants?
De ces manches qu'à table on voit tâter les sauces,
Et de ces cotillons* appelés hauts-de-chausses?
De ces souliers mignons de rubans revêtus,
Qui vous font ressembler à des pigeons pattus*;
35 Et de ces grands canons, où comme en des entraves,
On met tous les matins ses deux jambes esclaves,
Et par qui nous voyons ces messieurs les galants,
Marcher écarquillés ainsi que des volants?
Je vous plairais sans doute équipé de la sorte,
40 Et je vous vois porter les sottises qu'on porte.

ARISTE
Toujours au plus grand nombre on doit s'accommoder,
Et jamais il ne faut se faire regarder.
L'un et l'autre excès choque, et tout homme bien sage
Doit faire des habits, ainsi que du langage,
45 N'y rien trop affecter, et sans empressement,
Suivre ce que l'usage y fait de changement.
Mon sentiment n'est pas qu'on prenne la méthode
De ceux qu'on voit toujours renchérir sur la mode,
Et qui dans ces excès, dont ils sont amoureux,
50 Seraient fâchés qu'un autre eût été plus loin qu'eux;
Mais je tiens qu'il est mal sur quoi que l'on se fonde,
De fuir obstinément ce que suit tout le monde,
Et qu'il vaut mieux souffrir d'être au nombre des fous,
Que du sage parti se voir seul contre tous.

SGANARELLE
55 Cela sent son vieillard, qui pour en faire accroire,
Cache ses cheveux blancs d'une perruque noire.

ARISTE
C'est un étrange fait du soin que vous prenez,
À me venir toujours jeter mon âge au nez;
Et qu'il faille qu'en moi sans cesse je vous voie
60 Blâmer l'ajustement aussi bien que la joie:
Comme si, condamnée à ne plus rien chérir,
La vieillesse devait ne songer qu'à mourir,
Et d'assez de laideur n'est pas accompagnée,
Sans se tenir encor malpropre et rechignée.

SGANARELLE
65 Quoi qu'il en soit, je suis attaché fortement
À ne démordre point de mon habillement:
Je veux une coiffure en dépit de la mode,
Sous qui toute ma tête ait un abri commode:
Un beau pourpoint bien long, et fermé comme il faut,
70 Qui pour bien digérer tienne l'estomac chaud;
Un haut-de-chausses fait justement pour ma cuisse,
Des souliers où mes pieds ne soient point au supplice,
Ainsi qu'en ont usé sagement nos aïeux,
Et qui me trouve mal, n'a qu'à fermer les yeux.