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Actes de l'oeuvre
Les fourberies de Scapin :

¤Acte 1
¤Acte 2
¤Acte 3
ºSCÈNE DERNIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
ºSCÈNE V
ºSCÈNE VI
ºSCÈNE VII
ºSCÈNE VIII
ºSCÈNE IX
ºSCÈNE X
ºSCÈNE XI
ºSCÈNE XII
ºSCÈNE DERNIÈRE
 
 

 

Les fourberies de Scapin » Acte 3 » SCÈNE III

ZERBINETTE, GÉRONTE.

ZERBINETTE*.- Ah, ah, je veux prendre un peu l'air.

GÉRONTE*.- Tu me le paieras, je te jure.

ZERBINETTE.- Ah, ah, ah, ah, la plaisante histoire, et la bonne dupe que ce vieillard!

GÉRONTE.- Il n'y a rien de plaisant à cela, et vous n'avez que faire d'en rire.

ZERBINETTE.- Quoi? que voulez-vous dire, Monsieur?

GÉRONTE.- Je veux dire que vous ne devez pas vous moquer de moi.

ZERBINETTE.- De vous?

GÉRONTE.- Oui.

ZERBINETTE.- Comment? qui songe à se moquer de vous?

GÉRONTE.- Pourquoi venez-vous ici me rire au nez?

ZERBINETTE.- Cela ne vous regarde point, et je ris toute seule d'un conte qu'on vient de me faire, le plus plaisant qu'on puisse entendre. Je ne sais pas si c'est parce que je suis intéressée dans la chose; mais je n'ai jamais trouvé rien de si drôle qu'un tour qui vient d'être joué par un fils à son père, pour en attraper de l'argent.

GÉRONTE.- Par un fils à son père, pour en attraper de l'argent?

ZERBINETTE.- Oui. Pour peu que vous me pressiez, vous me trouverez assez disposée à vous dire l'affaire, et j'ai une démangeaison naturelle à faire part des contes que je sais.

GÉRONTE.- Je vous prie de me dire cette histoire.

ZERBINETTE.- Je le veux bien. Je ne risquerai pas grand'chose à vous la dire, et c'est une aventure qui n'est pas pour être longtemps secrète. La destinée a voulu que je me trouvasse parmi une bande de ces personnes, qu'on appelle Égyptiens, et qui rôdant de province en province, se mêlent de dire la bonne fortune, et quelquefois de beaucoup d'autres choses. En arrivant dans cette ville, un jeune homme me vit, et conçut pour moi de l'amour. Dès ce moment il s'attache à mes pas, et le voilà d'abord, comme tous les jeunes gens, qui croient qu'il n'y a qu'à parler, et qu'au moindre mot qu'ils nous disent, leurs affaires sont faites: mais il trouva une fierté qui lui fit un peu corriger ses premières pensées. Il fit connaître sa passion aux gens qui me tenaient, et il les trouva disposés à me laisser à lui, moyennant quelque somme. Mais le mal de l'affaire était, que mon amant se trouvait dans l'état où l'on voit très souvent la plupart des fils de famille, c'est-à-dire qu'il était un peu dénué d'argent; et il a un père, qui, quoique riche, est un avaricieux fieffé, le plus vilain* homme du monde. Attendez. Ne me saurais-je souvenir de son nom? Haye. Aidez-moi un peu. Ne pouvez-vous me nommer quelqu'un de cette ville qui soit connu pour être avare au dernier point?

GÉRONTE.- Non.

ZERBINETTE.- Il y a à son nom du ron... ronte. Or... Oronte. Non. Gé... Géronte; oui Géronte justement; voilà mon vilain, je l'ai trouvé, c'est ce ladre-là que je dis. Pour venir à notre conte, nos gens ont voulu aujourd'hui partir de cette ville; et mon amant m'allait perdre faute d'argent, si pour en tirer de son père, il n'avait trouvé du secours dans l'industrie d'un serviteur qu'il a. Pour le nom du serviteur, je le sais à merveille. Il s'appelle Scapin; c'est un homme incomparable, et il mérite toutes les louanges qu'on peut donner.

GÉRONTE.- Ah coquin que tu es!

ZERBINETTE.- Voici le stratagème dont il s'est servi pour attraper sa dupe. Ah, ah, ah, ah. Je ne saurais m'en souvenir, que je ne rie de tout mon cœur. Ah, ah, ah. Il est allé trouver ce chien d'avare, ah, ah ah; et lui a dit, qu'en se promenant sur le port avec son fils, hi, hi, ils avaient vu une galère turque où on les avait invités d'entrer. Qu'un jeune Turc leur y avait donné la collation. Ah. Que, tandis qu'ils mangeaient, on avait mis la galère en mer; et que le Turc l'avait renvoyé lui seul à terre dans un esquif, avec ordre de dire au père de son maître, qu'il emmenait son fils en Alger, s'il ne lui envoyait tout à l'heure* cinq cents écus. Ah, ah, ah. Voilà mon ladre, mon vilain dans de furieuses angoisses; et la tendresse qu'il a pour son fils, fait un combat étrange avec son avarice. Cinq cents écus qu'on lui demande, sont justement cinq cents coups de poignard qu'on lui donne. Ah, ah, ah. Il ne peut se résoudre à tirer cette somme de ses entrailles; et la peine qu'il souffre, lui fait trouver cent moyens ridicules pour ravoir son fils. Ah, ah, ah. Il veut envoyer la justice en mer après la galère du Turc. Ah, ah, ah. Il sollicite son valet de s'aller offrir à tenir la place de son fils, jusqu'à ce qu'il ait amassé l'argent qu'il n'a pas envie de donner. Ah, ah, ah. Il abandonne, pour faire les cinq cents écus, quatre ou cinq vieux habits qui n'en valent pas trente. Ah, ah, ah. Le valet lui fait comprendre à tous coups l'impertinence* de ses propositions, et chaque réflexion est douloureusement accompagnée d'un: "Mais que diable allait-il faire à cette galère? Ah maudite galère! Traître de Turc!" Enfin après plusieurs détours, après avoir longtemps gémi et soupiré... Mais il me semble que vous ne riez point de mon conte. Qu'en dites-vous?

GÉRONTE.- Je dis que le jeune homme est un pendard, un insolent, qui sera puni par son père, du tour qu'il lui a fait; que l'Égyptienne est une malavisée, une impertinente, de dire des injures à un homme d'honneur qui saura lui apprendre à venir ici débaucher les enfants de famille; et que le valet est un scélérat, qui sera par Géronte envoyé au gibet avant qu'il soit demain.