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Actes de l'oeuvre
La Princesse d'Élide :

¤Premier intermède
¤ Acte I
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºSCÈNE II
ºSCÈNE III
ºSCÈNE IV
¤Deuxième intermède
¤Acte II
¤Troisième intermède
¤Acte III
¤Quatrième intermède
¤Acte IV
¤Cinquième intermède
¤Acte V
¤Sixième intermède
 
 

 

La Princesse d'Élide » Acte I » SCÈNE II

Moron, représenté par le sieur de Molière, arrive, et ayant le souvenir d'un furieux sanglier, devant lequel il avait fui à la chasse, demande secours, et rencontrant Euryale et Arbate se met au milieu d'eux pour plus de sûreté, après leur avoir témoigné sa peur, et leur disant cent choses plaisantes sur son peu de bravoure.


MORON, ARBATE, EURYALE.


MORON, sans être vu.
Au secours! sauvez-moi de la bête cruelle !

EURYALE
Je pense ouïr sa voix?

MORON, sans être vu.
À moi, de grâce, à moi!

EURYALE
C'est lui-même; où court-il avec un tel effroi?

MORON
165 Où pourrai-je éviter ce sanglier redoutable?
Grands dieux ! préservez-moi de sa dent effroyable*.
Je vous promets, pourvu qu'il ne m'attrappe pas,
Quatre livres d'encens, et deux veaux des plus gras.
Ha! je suis mort!

EURYALE
Qu'as-tu?

MORON
Je vous croyais la bête
170 Dont à me diffamer* j'ai vu la gueule prête,
Seigneur, et je ne puis revenir de ma peur.

EURYALE
Qu'est-ce?

MORON
Ô! que la Princesse est d'une étrange humeur!
Et qu'à suivre la chasse et ses extravagances
Il nous faut essuyer de sottes complaisances!
175 Quel diable de plaisir trouvent tous les chasseurs
De se voir exposés à mille et mille peurs,
Encore si c'était qu'on ne fût qu'à la chasse
Des lièvres, des lapins, et des jeunes daims, passe;
Ce sont des animaux d'un naturel fort doux,
180 Et qui prennent toujours la fuite devant nous:
Mais aller attaquer de ces bêtes vilaines
Qui n'ont aucun respect pour les faces humaines,
Et qui courent les gens qui les veulent courir,
C'est un sot passe-temps que je ne puis souffrir.

EURYALE
Dis-nous donc ce que c'est?

MORON, en se tournant.
185 Le pénible exercice
Où de notre Princesse a volé le caprice!...
J'en aurais bien juré qu'elle aurait fait le tour,
Et la course des chars se faisant en ce jour,
Il fallait affecter ce contre-temps de chasse
190 Pour mépriser ces jeux avec meilleure grâce*,
Et faire voir... Mais chut, achevons mon récit,
Et reprenons le fil de ce que j'avais dit.
Qu'ai-je dit?

EURYALE
Tu parlais d'exercice pénible.

MORON
Ah! oui. Succombant donc à ce travail horrible;
195 Car en chasseur fameux j'étais enharnaché,
Et dès le point du jour je m'étais découché*:
Je me suis écarté de tous en galant homme,
Et trouvant un lieu propre à dormir d'un bon somme,
J'essayais ma posture, et m'ajustant bientôt,
200 Prenais déjà mon ton pour ronfler comme il faut
Lorsqu'un murmure affreux m'a fait lever la vue,
Et j'ai d'un vieux buisson de la forêt touffue
Vu sortir un sanglier d'une énorme grandeur
Pour...

EURYALE
Qu'est-ce?

MORON
Ce n'est rien, n'ayez point de frayeur*.
205 Mais laissez-moi passer entre vous deux pour cause,
Je serai mieux en main pour vous conter la chose:
J'ai donc vu ce sanglier, qui par nos gens chassé
Avait d'un air affreux tout son poil hérissé;
Ces deux yeux* flamboyants ne lançaient que menace,
210 Et sa gueule faisait une laide grimace,
Qui parmi de l'écume à qui l'osait presser
Montrait de certains crocs... Je vous laisse à penser?
À ce terrible aspect j'ai ramassé mes armes;
Mais le faux animal* sans en prendre d'alarmes
215 Est venu droit à moi, qui ne lui disais mot.

ARBATE
Et tu l'as de pied ferme attendu?

MORON
Quelque sot.
J'ai jeté tout par terre, et couru comme quatre.

ARBATE
Fuir devant un sanglier ayant de quoi l'abattre,
Ce trait, Moron, n'est pas généreux...

MORON
J'y consens,
220 Il n'est pas généreux, mais il est de bon sens.

ARBATE
Mais par quelques exploits, si l'on ne s'éternise...

MORON
Je suis votre valet, et j'aime mieux qu'on dise*,
"C'est ici qu'en fuyant sans se faire prier
Moron sauva ses jours des fureurs d'un sanglier*",
225 Que si l'on y disait, "Voilà l'illustre place
Où le brave Moron, d'une héroïque audace,
Affrontant d'un sanglier l'impétueux effort
Par un coup de ses dents vit terminer son sort."

EURYALE
Fort bien...

MORON
Oui j'aime mieux, n'en déplaise à la gloire,
230 Vivre au monde deux jours que mille ans dans l'histoire.

EURYALE
En effet ton trépas fâcherait tes amis;
Mais si de ta frayeur ton esprit est remis
Puis-je te demander si du feu qui me brûle...

MORON
Il ne faut point, Seigneur, que je vous dissimule*,
235 Je n'ai rien fait encore, et n'ai point rencontré
De temps pour lui parler qui fût selon mon gré:
L'office de bouffon a des prérogatives;
Mais souvent on rabat nos libres tentatives:
Le discours de vos feux est un peu délicat,
240 Et c'est chez la Princesse une affaire d'État;
Vous savez de quel titre elle se glorifie,
Et qu'elle a dans la tête une philosophie
Qui déclare la guerre au conjugal lien,
Et vous traite l'Amour de déité de rien:
245 Pour n'effaroucher point son humeur de tigresse,
Il me faut manier la chose avec adresse;
Car on doit regarder comme l'on parle aux grands,
Et vous êtes parfois d'assez fâcheuses gens.
Laissez-moi doucement conduire cette trame,
250 Je me sens là pour vous un zèle tout de flamme,
Vous êtes né mon prince, et quelques autres nœuds
Pourraient contribuer au bien que je vous veux:
Ma mère dans son temps passait pour assez belle,
Et naturellement n'était pas fort cruelle;
255 Feu votre père alors, ce prince généreux,
Sur la galanterie était fort dangereux,
Et je sais qu'Elpénor, qu'on appelait mon père,
À cause qu'il était le mari de ma mère,
Contait pour grand honneur aux pasteurs d'aujourd'hui
260 Que le prince autrefois était venu chez lui,
Et que durant ce temps il avait l'avantage
De se voir salué de tous ceux du village:
Baste, quoi qu'il en soit je veux par mes travaux:
Mais voici la Princesse, et deux de vos rivaux*.