Mélicerte » Acte 2 » SCÈNE V
LYCARSIS, MYRTIL. MYRTIL Eh bien! vous triomphez avec cette retraite,Et dans ces mots votre âme a ce qu'elle souhaite; 505 Mais apprenez qu'en vain vous vous réjouissez,Que vous serez trompé dans ce que vous pensez,Et qu'avec tous vos soins, toute votre puissance,Vous ne gagnerez rien sur ma persévérance. LYCARSIS Comment? à quel orgueil, fripon, vous vois-je aller? 510 Est-ce de la façon* que l'on me doit parler? MYRTIL Oui, j'ai tort, il est vrai, mon transport n'est pas sage:Pour rentrer au devoir, je change de langage,Et je vous prie ici, mon père, au nom des Dieux,Et par tout ce qui peut vous être précieux, 515 De ne vous point servir dans cette conjoncture,Des fiers droits* que sur moi vous donne la nature:Ne m'empoisonnez point vos bienfaits les plus doux.Le jour est un présent que j'ai reçu de vous;Mais de quoi vous serai-je aujourd'hui redevable, 520 Si vous me l'allez rendre, hélas! insupportable?Il est sans Mélicerte un supplice à mes yeux:Sans ses divins appas, rien ne m'est précieux,Ils font tout mon bonheur, et toute mon envie,Et si vous me l'ôtez, vous m'arrachez la vie. LYCARSIS* 525 Aux douleurs de son âme il me fait prendre part.Qui l'aurait jamais cru de ce petit pendart?Quel amour! quels transports! quels discours pour son âge!J'en suis confus, et sens que cet amour m'engage*. MYRTIL* Voyez, me voulez-vous ordonner de mourir? 530 Vous n'avez qu'à parler, je suis prêt d'obéir. LYCARSIS* Je ne puis plus tenir*, il m'arrache des larmes,Et ces tendres propos me font rendre les armes. MYRTIL Que si dans votre cœur un reste d'amitié,Vous peut de mon destin donner quelque pitié, 535 Accordez Mélicerte à mon ardente envie,Et vous ferez bien plus que me donner la vie. LYCARSIS Lève-toi. MYRTIL Serez-vous sensible à mes soupirs? LYCARSIS Oui. MYRTIL J'obtiendrai de vous l'objet de mes désirs? LYCARSIS Oui. MYRTIL Vous ferez pour moi que son oncle l'oblige A me donner sa main? LYCARSIS 540 Oui. Lève-toi, te dis-je. MYRTIL Ô père, le meilleur qui jamais ait été,Que je baise vos mains après tant de bonté! LYCARSIS Ah! que pour ses enfants un père a de faiblesse!Peut-on rien refuser à leurs mots de tendresse? 545 Et ne se sent-on pas certains mouvements doux,Quand on vient à songer que cela sort de vous? MYRTIL Me tiendrez-vous au moins la parole avancée?Ne changerez-vous point, dites-moi, de pensée? LYCARSIS Non. MYRTIL Me permettez-vous de vous désobéir, 550 Si de ces sentiments on vous fait revenir?Prononcez le mot. LYCARSIS Oui. Ha, nature, nature! Je m'en vais trouver Mopse, et lui faire ouvertureDe l'amour que sa nièce et toi vous vous portez. MYRTIL Ah! que ne dois-je point à vos rares bontés! * 555 Quelle heureuse nouvelle à dire à Mélicerte!Je n'accepterais pas une couronne offerte,Pour le plaisir que j'ai de courir lui porter,Ce merveilleux succès qui la doit contenter.
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