L'École des femmes » Acte 5 » SCÈNE VI
ARNOLPHE, HORACE. HORACE Ah! je viens vous trouver accablé de douleur,Le Ciel, Seigneur Arnolphe, a conclu* mon malheur,Et par un trait fatal d'une injustice extrême 1625 On me veut arracher de la beauté que j'aime.Pour arriver ici mon père a pris le frais*,J'ai trouvé qu'il mettait pied à terre ici près,Et la cause en un mot d'une telle venue,Qui, comme je disais, ne m'était pas connue, 1630 C'est qu'il m'a marié sans m'en récrire rien*,Et qu'il vient en ces lieux célébrer ce lien.Jugez, en prenant part à mon inquiétude,S'il pouvait m'arriver un contre-temps plus rude;Cet Enrique, dont hier je m'informais à vous, 1635 Cause tout le malheur dont je ressens les coups;Il vient avec mon père achever ma ruine,Et c'est sa fille unique à qui l'on me destine.J'ai dès leurs premiers mots pensé m'évanouir,Et d'abord sans vouloir plus longtemps les ouïr; 1640 Mon père ayant parlé de vous rendre visiteL'esprit plein de frayeur je l'ai devancé vite:De grâce, gardez-vous de lui rien découvrirDe mon engagement, qui le pourrait aigrir,Et tâchez, comme en vous il prend grande créance, 1645 De le dissuader de cette autre alliance. ARNOLPHE Oui-da. HORACE Conseillez-lui de différer un peu, Et rendez en ami ce service à mon feu. ARNOLPHE Je n'y manquerai pas. HORACE C'est en vous que j'espère. ARNOLPHE Fort bien HORACE Et je vous tiens mon véritable père; 1650 Dites-lui que mon âge... ah! je le vois venir,Écoutez les raisons que je vous puis fournir.Ils demeurent en un coin du théâtre.
|