Accueil Biographie Personnages Contact Sites partenaires
»L'Étourdi ou les contretemps
»Les Precieuses ridicules
»Le Dépit Amoureux
»Sganarelle ou le cocu imaginaire
»Dom Garcie de Navarre ou le Prince jaloux
»L'École des maris
»Les Fâcheux
»L'École des femmes
»La Critique de L'École des femmes
»L'Impromptu de Versailles
»Le mariage forcé
»La Princesse d'Élide
»Le Tartuffe ou l'Imposteur
»Dom Juan ou le Festin de pierre
»L'Amour Médecin
»Le Misanthrope
»Le médecin malgré lui
»Mélicerte
»Pastorale comique
»Le Sicilien ou l'Amour peintre
»Amphitryon
»George Dandin ou le mari confondu
»L'Avare
»Monsieur de Pourceaugnac
»Les amants magnifiques
»Le bourgeois gentilhomme
»Psyché
»Les fourberies de Scapin
»La Comtesse d'Escarbagnas
»Les Femmes savantes
»Le Malade imaginaire
     
Actes de l'oeuvre
Le Dépit Amoureux :

¤Acte I
ºSCÈNE PREMIÈRE
ºScene II
ºScene III
ºScene IV
ºScene V
¤Acte II
¤Acte III
¤Acte IV
¤Acte V
 
 

 

Le Dépit Amoureux » Acte I » SCÈNE PREMIÈRE

ÉRASTE, GROS-RENÉ.


ÉRASTE
Veux-tu que je te die*? Une atteinte secrète
Ne laisse point mon âme en une bonne assiette:
Oui, quoi qu'à mon amour tu puisses repartir,
Il craint d'être la dupe, à ne te point mentir:
5 Qu'en faveur d'un rival ta foi ne se corrompe,
Ou du moins, qu'avec moi, toi-même on ne te trompe.

GROS-RENÉ
Pour moi, me soupçonner de quelque mauvais tour,
Je dirai, n'en déplaise à Monsieur votre amour,
Que c'est injustement blesser ma prud'homie
10 Et se connaître mal en physionomie.
Les gens de mon minois ne sont point accusés
D'être, grâces à Dieu, ni fourbes, ni rusés:
Cet honneur qu'on nous fait je ne le démens guères,
Et suis homme fort rond, de toutes les manières*.
15 Pour que l'on me trompât, cela se pourrait bien;
Le doute est mieux fondé; pourtant je n'en crois rien.
Je ne vois point encore, ou je suis une bête,
Sur quoi vous avez pu prendre martel en tête.
Lucile, à mon avis, vous montre assez d'amour,
20 Elle vous voit, vous parle à toute heure du jour,
Et Valère après tout qui cause votre crainte
Semble n'être à présent souffert que par contrainte.

ÉRASTE
Souvent d'un faux espoir un amant est nourri;
Le mieux reçu toujours n'est pas le plus chéri;
25 Et tout ce que d'ardeur font paraître les femmes
Parfois n'est qu'un beau voile à couvrir d'autres flammes.
Valère enfin, pour être un amant rebuté,
Montre depuis un temps trop de tranquillité;
Et ce qu'à ces faveurs, dont tu crois l'apparence,
30 Il témoigne de joie ou bien d'indifférence,
M'empoisonne à tous coups leurs plus charmants appas,
Me donne ce chagrin que tu ne comprends pas;
Tient mon bonheur en doute, et me rend difficile
Une entière croyance aux propos de Lucile.
35 Je voudrais, pour trouver un tel destin plus doux*,
Y voir entrer un peu de son transport jaloux,
Et sur ses déplaisirs et son impatience
Mon âme prendrait lors une pleine assurance.
Toi-même, penses-tu, qu'on puisse, comme il fait,
40 Voir chérir un rival d'un esprit satisfait ?
Et si tu n'en crois rien, dis-moi, je t'en conjure,
Si, j'ai lieu de rêver dessus cette aventure.

GROS-RENÉ
Peut-être que son cœur a changé de désirs
Connaissant qu'il poussait d'inutiles soupirs.

ÉRASTE
45 Lorsque par les rebuts une âme est détachée,
Elle veut fuir l'objet dont elle fut touchée,
Et ne rompt point sa chaîne avec si peu d'éclat,
Qu'elle puisse rester en un paisible état:
De ce qu'on a chéri la fatale présence
50 Ne nous laisse jamais dedans l'indifférence;
Et, si de cette vue on n'accroît son dédain,
Notre amour est bien près de nous rentrer au sein.
Enfin, crois-moi, si bien qu'on éteigne une flamme,
Un peu de jalousie occupe encore une âme,
55 Et l'on ne saurait voir, sans en être piqué,
Posséder par un autre un cœur qu'on a manqué.

GROS-RENÉ
Pour moi, je ne sais point tant de philosophie;
Ce que voyent* mes yeux, franchement je m'y fie,
Et ne suis point de moi si mortel ennemi,
60 Que je m'aille affliger sans sujet ni demi*;
Pourquoi subtiliser, et faire le capable
À chercher des raisons pour être misérable?
Sur des soupçons en l'air je m'irais alarmer?
Laissons venir la fête avant que la chômer*.
65 Le chagrin me paraît une incommode chose;
Je n'en prends point pour moi, sans bonne et juste cause;
Et mêmes à mes yeux cent sujets d'en avoir
S'offrent le plus souvent, que je ne veux pas voir.
Avec vous en amour je cours même fortune;
70 Celle que vous aurez me doit être commune;
La maîtresse ne peut abuser votre foi,
À moins que la suivante en fasse autant pour moi:
Mais j'en fuis la pensée avec un soin extrême.
Je veux croire les gens quand on me dit "Je t'aime";
75 Et ne vais point chercher, pour m'estimer heureux,
Si Mascarille ou non, s'arrache les cheveux.
Que tantôt Marinette endure qu'à son aise
Jodelet par plaisir la caresse et la baise*,
Et que ce beau rival en rie ainsi qu'un fou,
80 À son exemple aussi j'en rirai tout mon soûl;
Et l'on verra qui rit avec meilleure grâce.

ÉRASTE
Voilà de tes discours.

GROS-RENÉ
Mais je la vois qui passe.